"L'homme est né libre et partout il est dans les fers", écrit Jean-Jacques Rousseau. Si la liberté est spontanément définie comme une absence de contraintes, force est de constater que l'homme rencontre partout des obstacles : qu'il en ait conscience ou non, il est toujours inscrit dans une forme de déterminisme... Selon un proverbe russe, le temps ne s'incline pas devant nous, mais nous devant le temps : le temps, conçu comme un milieu homogène et infini dans lequel se succèdent les événements - et souvent ressenti comme une force agissant sur les êtres - serait-il donc essentiellement une entrave pour la liberté, un obstacle ? Ou bien est-ce, au contraire, un moyen de la réaliser ?
Si le temps semble a priori étouffer la liberté, nous verrons pourtant qu'il peut en fait être perçu comme l'une de ses faces. Enfin, nous montrerons qu'on ne saurait comprendre la liberté sans comprendre le temps : la liberté est du côté du temps concret (il nous faudra ainsi, au cours de notre étude, affiner, voire redéfinir les concepts de temps et de liberté) (...)
[...] En outre, le temps, que nous avons envisagé à l'échelle de la vie humaine, est aussi celui de l'Histoire. Ainsi Kant voit-il dans l'Histoire un développement continu (fût-il lent ! ) des dispositions originelles de l'homme, une profession vers un état de plus grande moralité et donc de liberté (la liberté du sage étant, pour Kant, l'obéissance à la loi morale, au devoir). Hegel, quant à lui, estime que l'Histoire (à savoir le cours des événements qui ont eu lieu, ont lieu et auront lieu) est ce par quoi et le temps nécessaire pour que l'homme prenne conscience que de du fait de ce qu'il est, c'est-à-dire un homme, il est libre ; c'est aussi le temps nécessaire pour qu'il se donne la forme d'organisation politique qui lui garantisse cette liberté. [...]
[...] De plus, pour les partisans du déterminisme, la liberté serait littéralement prisonnière de la chaine des causes : le présent est déterminé par le passé, d'où un obstacle temporel pour la liberté : à tout effet est assigné une cause qui l'a précédé dans le temps, et les mêmes causes concourraient ainsi aux mêmes effets En outre, le temps apparaît comme une contrainte non seulement matérielle biologique mais aussi sociale (avec la notion d'horaire : l'homme est obligé d'obéir, de se plier au temps social, à ses règles : le temps de travail par exemple et les contraintes horaires omniprésentes sont souvent perçues comme un obstacle redoutable à la liberté) et même psychique : en effet, le passé, qui ne peut être rejoué, tend à nous emprisonner dans le carcan des habitudes, faisant parfois du présent une pure et simple répétition du passé, qui n'est alors pas dépassé. Dès lors, la liberté est étouffée, ne se manifeste plus, la vie n'est plus une incessante création. [...]
[...] De plus, la conscience individuelle porte le poids d'un passé parfois mal vécu : le passé infeste le présent et l'homme devient prisonnier de l'opinion qu'il en a : aussi est-il bien incapable de réaliser un choix éclairé, gage de liberté. Ainsi le temps renvoie-t-il à une certaine impuissance de l'homme et à une certaine passivité : l'homme ne peut que courber l'échine devant ce temps qui pèse sur lui et entrave sa liberté Mais l'homme ne se pose-t-il pas en s'opposant ? Et, par conséquent, le temps ne pourrait-il pas être, précisément, l'occasion d'épanouir sa liberté ? [...]
[...] N'est-il pas aussi lié subjectivement au temps, et celui-ci n'existe-t-il pas, en fait, que par et pour l'homme, dans sa conscience même ? Selon Bergson, la compréhension de la liberté ne va pas sans une compréhension du temps lui-même ; le problème de la liberté résulte d'ailleurs de la confusion de la durée et de l'entendue, du temps subjectif et du temps physique. Aussi ne peut-on envisager la liberté qu'à la condition de distinguer le temps physique, objectif, et le temps concret, subjectif : en effet, le temps abstrait, mesurable, quantifiable, extérieur à la conscience, ce milieu homogène dans lequel els choses évoluent et où tout est prévisible, est radicalement différent du temps réel, vécu, ce temps qui s‘écoule, intérieur à la conscience, où rien n'est donné d'avance, que Bergson nomme durée C'est bien en cette dernière que réside la liberté : Agir librement, c'est reprendre possession de soi, c'est se replacer dans la pure durée écrit-il dans son Essai sur les données immédiates de la conscience. [...]
[...] Dissertation de philosophie Le temps est-il un obstacle pour la liberté ? INTRODUCTION L'homme est né libre et partout il est dans les fers écrit Jean-Jacques Rousseau. Si la liberté est spontanément définie comme une absence de contraintes, force est de constater que l'homme rencontre partout des obstacles : qu'il en ait conscience ou non, il est toujours inscrit dans une forme de déterminisme Selon un proverbe russe, le temps ne s'encline pas devant nous, mais nous devant le temps : le temps, conçu comme un milieu homogène et infini dans lequel se succèdent les événements et souvent ressenti comme une force agissant sur les êtres serait-il donc essentiellement une entrave pour la liberté, un obstacle ? [...]
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