A première vue, il apparaît comme un peu paradoxal de qualifier une technique de morale ou immorale. En effet, la technique n'est qu'un instrument, la logique voudrait plutôt que l'on incrimine celui qui l'utilise. Cependant, on peut tout de même se demander si certaines techniques, même placées entre de bonnes mains, ne présentent pas un certain caractère immoral, au sens où leur utilisation entraîne systématiquement une action contraire à l'éthique (une bombe nucléaire n'a aucune autre vocation ni utilité que celle de détruire massivement, par exemple). Il semblerait donc qu'outre l'utilisation que l'on en fait, la technique en elle-même pourrait posséder une valeur morale. Mais comment la juger?
[...] La technique apparaît donc comme moralement neutre, c'est l'Homme qui ne l'est pas. Son manque de spiritualité peut conduire à un mauvais emploi involontaire, son manque de vertu morale à un mauvais emploi volontaire. On sait maintenant que l'Homme peut rendre la technique morale ou immorale, mais le contraire ne serait-il pas également vrai? Dans l'état du monde actuel, on peut s'interroger sur l'impact de la technique sur l'humanité. En effet, tous les conflits internationaux auxquels on assiste paraissent difficilement concevables sans toutes les techniques sur lesquelles ils reposent. [...]
[...] Si la technique connaît bel et bien un développement, elle reste un instrument humain. C'est lui qui, grâce à ses connaissances, la fait progresser, lui donne les moyens d'exister, l'utilise et en détermine les fins. Bergson dénonce cette personnification abusive du progrès, selon lui l'Homme a tendance à chercher à se dédouaner en rejetant la faute sur la technique et son évolution (une personne souhaitant mener une action immorale et à qui la technique en donne désormais les moyens accusera la technique et cette possibilité qu'elle lui a fourni et non sa volonté initiale). [...]
[...] Selon Bergson, l'Homme devrait être qualifié "d'homo taber" plutôt que "d'homo sapiens", car dans son histoire, les techniques ont précédé la science. C'est de ces techniques « pré-sciences » dont nous parlions ici. Or il semblerait qu'avec l'apparition des sciences, les techniques se soient largement diversifiées, ainsi que leurs moyens et leurs buts. Si les techniques n'ont plus vocation à uniquement permettre la survie de l'espèce et ne proviennent plus d'observations de phénomènes naturels ou de découvertes hasardeuses, elles sont sciemment pensées et recherchées pour atteindre d'autres buts, parfois non vitaux, superflus, voire en eux-mêmes immoraux. [...]
[...] Tout ce que l'Homme peut faire, il ne doit pas forcément le faire. La technique est universellement reconnue comme augmentant ce pouvoir dont dispose l'Homme, selon Descartes elle rend l'Homme "comme maître et possesseur de la nature". Puisque la technique offre le moyen de faire "de plus en plus" de choses, elle offre forcément des moyens de s'éloigner de la moralité. Cependant, ce n'est pas parce que la technique offre le moyen de faire quelque chose, que l'on est obligé de s'en servir. [...]
[...] Depuis l'apparition des sciences, leur développement a suivi celui de la technique et, les deux étant étroitement liés, on n'imagine plus l'un sans l'autre aujourd'hui. On peut définir les sciences comme un système de connaissances établies par démonstration ou expérimentation, montrant l'importance accordée par l'Homme à la compréhension de ce qui l'entoure. En effet, connaître son environnement offre la possibilité d'agir sur lui (d'après Comte "science d'où prévoyance, prévoyance d'où action"). Cette connaissance offre donc la possibilité de développer de nouvelles techniques (qui cette fois ne seront plus forcément des réponses vitales à des problématiques provenant de l'environnement humain) qui, à leur tour, permettront l'acquisition de nouvelles connaissances, donc le développement de la science. [...]
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