Le sujet conscient est-il le mieux placé pour savoir ce qu'il est?

Résumé du document

La connaissance de soi est à première vue une évidence: chaque homme se sent familier à lui-même et semble être le plus apte à connaître sa nature car il est continuellement en sa propre présence. Certes, l'homme est, en tant que sujet conscient, capable de se poser à distance de lui-même et de se représenter; mais cette représentation est-elle complète et lui permet-elle d'accéder à la connaissance de la totalité de son être? Il serait alors nécessaire d'examiner si le sujet conscient est véritablement le mieux placé pour savoir ce qu'il est, ou bien si une personne qui lui est étrangère est capable de le représenter avec plus de justesse.

Extraits

[...] Cependant, il serait malencontreux d'affirmer que savoir qui nous sommes est chose aisée. A ce sujet, Socrate a affirmé qu'un être conscient ne peut d'emblée avoir une connaissance totale de lui-même. Il considérait l'inscription placée sur le fronton du temple de Delphes, «Connais-toi toi- même.», comme une règle de sagesse, un idéal duquel on doit se rapprocher. La connaissance de soi désigne non seulement la capacité de se représenter ce que l'on est, mais elle suppose aussi de comprendre clairement la genèse de ses sentiments, de ses pensées. [...]

[...] Les expressions courantes prendre ses désirs pour des réalités ou revenir à la réalité témoignent d'ailleurs de notre tendance à manquer d'objectivité sur nous-mêmes. C'est dans ce sens que Kant affirme : Je ne me connais nullement tel que je suis, mais tel que je m'apparais moi-même.» D'autre part, malgré l'apparente responsabilité qu'a notre esprit de nos actes, il n'en demeure pas moins que nous ignorons la genèse de certains de nos comportements, de nos sentiments. Ainsi, Malebranche affirme que la conscience que nous avons de nous-mêmes ne nous montre peut-être que la moindre partie de notre être.» Le sujet conscient ne fait donc qu'enregistrer une partie de son psychisme ; cette «zone d'ombre de sa personne est définie par Sigmund Freud par le mot inconscient, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire sans connaissance Selon lui, l'inconscient se manifeste notamment par des désirs ou des pulsions inexpliquées, par exemple l'apparition de phobies. [...]

[...] Or comment le sujet conscient peut-il savoir ce qu'il est, puisqu'il est en perpétuelle évolution ? Il peut évidemment se forger une idée de lui-même à travers le prisme de ses états d'âme, de ses affections, de ses représentations, mais tout cela ne lui donne pas une représentation totale de soi. Ensuite, une prise de connaissance objective nécessite obligatoirement une distanciation entre le sujet, qui observe, et l'objet, que l'on cherche à connaître. Or quand nous disons Je pense à moi notre esprit est à la fois le sujet et l'objet de notre réflexion. [...]

[...] De plus, le sujet représente l'objet d'étude de cette personne. Elle va donc pouvoir émettre un jugement objectif sur lui et lui renvoyer son image, qu'elle lui plaise ou non. Plus une personne est intime avec le sujet, et plus son jugement peut être bénéfique et amener le sujet à une meilleure connaissance de lui-même. Il dispose en effet de l'avis de quelqu'un en qui il a confiance. C'est en ce sens que Aristote affirme que «l'homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d'amitié pour apprendre à se connaître soi-même.» De plus, avec le développement de disciplines telles que la psychanalyse ou bien, de manière plus marginale, l'hypnose, l'homme possède à présent un moyen d'éclairer, de déchiffrer son inconscient. [...]

[...] Or si le sujet conscient pense, il est donc capable d'avoir des initiatives et mettre ses pensées en pratique : ainsi, Conche conseille de Penser sa vie et vivre sa pensée La pensée, ou âme selon Descartes, permet aussi au sujet de se contrôler lui-même : il est capable de cacher à autrui les désirs qui l'animent, d'arborer plusieurs facettes en société. La pensée étant ainsi à l'origine de toutes les décisions du sujet, il est par conséquent responsable de ses actes et de ses choix. C'est en ce sens que des philosophes comme Alain ou Popper affirment que le sujet conscient est le mieux placé pour savoir ce qu'il est. [...]