Suis-je le même en des temps différents ? - publié le 19/10/2010

Résumé du document

Deux réponses contradictoires ? L'énoncé du sujet nous pose, dès l'abord, un problème. En effet, nous sommes naturellement partagés entre deux réponses contradictoires qui, pourtant, semblent avoir pour elles le bon sens.
Première réponse : évidemment non, je ne suis pas le même en des temps différents : j'ai changé. Ainsi, je ne suis plus celui que j'étais il y a dix ou vingt ans. Alors qu'il y a dix ans j'aimais un certain style de musique, aujourd'hui j'ai du mal à l'écouter, lui préférant un autre style. Ou bien auparavant je ne supportais pas trop de lire alors que, maintenant, je passerais la journée le nez dans un livre, etc.
Seconde réponse : certes, mon caractère, mes centres d'intérêt on sûrement évolué avec le temps, mais je demeure moi-même. Bien sûr que j'ai changé, mais c'est moi, et personne d'autre, qui a changé. D'ailleurs je porte toujours le même nom : par-delà les différences, mon identité est restée la même. Toutes les différences constatées affectent le même individu (...)

Extraits

[...] Si pourtant je le reconnais comme étant le même, c'est qu'en lui quelque chose est resté identique. Il peut, par exemple, s'agir de sa silhouette, s'il n'a pas trop changé, ou du bois dont il est fait, ou même encore de son emplacement. L'identité serait alors ce reste, ce qui demeure stable sous les aspects variables du même pommier Prenons maintenant un exemple plus délicat : celui de la chenille. En quelques semaines celle-ci s'est métamorphosée en papillon. On ne retrouve plus alors aucune ressemblance entre l'insecte rampant et le coléoptère virevoltant et pourtant c'est bien le même insecte qui se présente tantôt sous un aspect, la chenille, tantôt sous un autre, le papillon. [...]

[...] D'ailleurs je porte toujours le même nom : par-delà les différences, mon identité est restée la même. Toutes les différences constatées affectent le même individu. On ne peut pas, semble-t-il, remettre en cause l'une ou l'autre de ces réponses, qui sont toutes les deux frappées au coin du bon sens. Et, pourtant, elles se contredisent. Par conséquent, on peut supposer que la contradiction n'est qu'apparente, qu'elle est liée au fait que nous parlons, sans nous en rendre compte, de deux réalités différentes (si on ne parle pas de la même chose dans l'une et l'autre réponse, alors il n'y a plus de contradiction et les deux points de vue peuvent de nouveau être défendus en même temps). [...]

[...] Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant, qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.); et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant, il ne faisait que se sentir; maintenant, il se pense. [...]

[...] Le pronom je que j'utilise pour décrire mon activité ne serait donc pas vide de sens, ne se rapportant à rien de réel, mais désignerait le pouvoir qui nous est donné d'unifier nos perceptions ou représentations (point de vue défendu par le philosophe allemand Emmanuel Kant voir Texte Mais jusqu'où peut aller cette puissance de liaison temporelle ? Et puis-je rester le même, au sens où nous l'avons indiqué, tout au long de ma vie ? Les temps de mon existence peuvent-ils se fondre en une seule et même durée et à quelle condition ? C'est sur ces questions que le sujet nous invite à méditer. [...]

[...] Orientation pour notre interrogation; mais avant d'aller plus loin, revenons sur les termes du sujet : Suis-je le même en des temps différents ? Trois mots émergent de la question : - le pronom personnel je - le substantif le même - l'expression les temps Le problème central est celui de l'identité et de la permanence du moi, marquées par l'expression le même admis, bien sûr, toutes les différences qui se font jour à mesure que l'existence du moi s'écoule dans le temps. [...]