Spinoza a-t-il, comme on l'admet souvent aujourd'hui, réfuté le libre arbitre ?
La question mérite d'être posée parce que la culture contemporaine paraît empreinte, sur ce point, d'une contradiction remarquable.
D'un côté, la notion de libre arbitre, et celle de responsabilité morale qui en découle ont été battues en brèche, au dernier siècle, par des courants dominants de la pensée. Nietzsche y voyait l'une des illusions majeures de la métaphysique. Le marxisme théorique affirmait un déterminisme historique, qui servit de justification à l'une des formes du totalitarisme. La psychanalyse freudienne pose en principe un déterminisme psychique, à base inconsciente, qui paraît exclure la possibilité d'une autodétermination consciente. Le structuralisme a récusé la notion humaniste classique de sujet, et défini l'homme comme vecteur de structures (linguistiques, parentales, sociales, économiques), qui le déterminent en tant qu'être culturel, sans qu'il puisse en décider.
D'un autre côté, la liberté est le maître mot de la modernité, la valeur fondamentale constamment revendiquée contre tout asservissement et toute forme de limitation indue, dans la pensée comme dans l'action. Le paradoxe moderne est que cette revendication, notamment à l'égard des autorités et des cadres sociaux institués, s'est souvent référée aux courants doctrinaux qui niaient la liberté humaine – d'où les difficultés de Sartre à se faire le compagnon de route d'un parti marxiste.
Spinoza paraît avoir été sur ce point plus cohérent que ses successeurs modernes : allant jusqu'au bout de sa négation du libre arbitre, il considérait que les criminels ne devaient pas être punis, mais combattus comme des animaux malfaisants et dangereux : « Les hommes méchants ne sont pas moins à craindre ni moins pernicieux quand ils sont méchants nécessairement » (Lettre 58 à Schuller).
L'antihumanisme de Spinoza est cohérent. La question est donc de savoir s'il faut l'admettre, ou revenir à un humanisme cohérent en réhabilitant le libre arbitre.
[...] Le dualisme a. 2e Méditation. L'âme est plus facile à connaître que le corps parce que le cogito est la première vérité certaine, évidente alors même que l'existence d'une réalité corporelle est encore douteuse. L'existence de la pensée est plus certaine que celle du corps, et comme cette évidence a été atteinte grâce au doute méthodique, il faut dire aussi que l'évidence du libre arbitre est antérieure à la connaissance de la nature corporelle : l'âme se sait libre alors qu'elle doute encore de rien savoir sur le corps, et c'est à partir de cette connaissance métaphysique de l'âme que pourra s'édifier une explication physique du corps. [...]
[...] Spinoza et le libre arbitre Spinoza a-t-il, comme on l'admet souvent aujourd'hui, réfuté le libre arbitre ? La question mérite d'être posée parce que la culture contemporaine paraît empreinte, sur ce point, d'une contradiction remarquable. D'un côté, la notion de libre arbitre, et celle de responsabilité morale qui en découle ont été battues en brèche, au dernier siècle, par des courants dominants de la pensée. Nietzsche y voyait l'une des illusions majeures de la métaphysique. Le marxisme théorique affirmait un déterminisme historique, qui servit de justification à l'une des formes du totalitarisme. [...]
[...] Application au libre arbitre (début de la scolie à la proposition 35). Le positif est ici la conscience des actions, le négatif privatif l'ignorance des causes qui les produisent. Le libre arbitre est le nom d'une ignorance puisque la motion volontaire est irrationnelle (allusion à peine voilée à la théorie cartésienne de la glande pinéale). Se croire libre, c'est se croire indépendant de la nécessité divine parce qu'on n'a pas l'intelligence des causes réelles, et que l'on croit agir sua sponte. [...]
[...] On en conclura que si Dieu veut autre chose que soi, ce ne peut être que de manière contingente et non pas nécessaire, en l'ordonnant à sa propre bonté, non pas comme le moyen de réaliser celle-ci, mais comme le moyen d'y faire participer d'autres êtres : Dieu ne saurait être motivé par la perfection de son œuvre, mais seulement par la sienne propre. Ainsi envisagée, la création n'est ni nécessaire ni fortuite : elle est absolument libre en même temps que pleinement motivée. En revanche, le panthéisme nécessitariste entraîne cette contradiction que les modes de Dieu sont à la fois absolument nécessaires sans lui être coéternels comme si la propriété nécessaire d'un triangle pouvait ne pas être tandis que lui est. [...]
[...] Cette nature est l'extension, c'est-à-dire, la divisibilité en parties : la réalité du corps peut être affirmée dans la mesure où il est essentiellement étendu, tandis que la pensée se connaît elle-même comme essentiellement inétendue. L'immatérialité ou spiritualité de l'âme est donc la condition de la reconnaissance de la réalité du corps. c. 6e Méditation. La distinction réelle entre la res cogitans et la res extensa a pour conséquence qu'il ne faut pas attribuer à l'une ce qui ne convient qu'à l'autre. [...]
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