Spinoza ne réfléchit pas à proprement parler sur le suicide et, surtout il ne discute aucunement la moralité ou l'immoralité attachée à cet acte mais s'intéresse plus exactement à l'existence ou plutôt l'inexistence d'un tel fait. Or, c'est une réponse plutôt surprenante et qui semble tout à fait contraire au bon sens, au témoignage de l'expérience, qu'il nous propose : LE SUICIDE N'EXISTE PAS, à proprement parler. Il est bon de rappeler quelle est la différence entre la définition du suicide qu'il adopte et celle que nous adoptons : pour nous, le suicide serait un geste volontaire de la part de l'agent, devant mener à sa mort et résultant de sa propre disposition intérieure. Mais Spinoza, lui, ne tient compte ni de l'intention réelle de l'agent ni de la connaissance préalable que celui-ci a de l'issue de son action. Et c'est bien ce dernier point qu'il dispute tout particulièrement : il peut arriver accidentellement que quelqu'un périsse de sa propre main mais il est faux de dire que ce geste est réellement volontaire, dont la possibilité serait inscrite dans l'essence de cette personne. Il est de plus remarquable qu'une réponse aussi inattendue trouve si peu de lignes sous la plume de Spinoza pour être défendue. Rareté des propositions concernant le suicide : quelques unes dans l'Ethique, souvent faites « au passage », alors que la discussion principale porte sur un autre point (le suicide est souvent utilisé à titre d'analogie), et une remarque dans sa correspondance. En tout cas, il semble tout à fait intéressant d'écouter ce que Spinoza a à nous dire sur le suicide pour comprendre comment il ose dénier ce que nous tenons habituellement pour un fait établi. Cela se fonde sur la thèse générale suivant laquelle toute faiblesse n'est que relative à une force extérieure. On ne peut finalement être vaincu que de l'extérieur. Cela s'applique à tous les êtres mais le problème du suicide implique de se concentrer sur le cas particulier de l'homme. En réalité, il n'y a pas de différence : en résumé, quand on meurt, c'est qu'on est tué ; il n'y a donc pas de suicide. Une incroyable phrase, contradictoire de premier abord, est là pour le rappeler : « Personne […] ne se suicide, ce qui peut se faire de bien des manières ». D'abord elle nie un fait, puis affirme de celui-ci qu'il peut se produire de plusieurs façons ! Il faut donc se demander : que se passe-t-il exactement dans les cas que nous, nous nommons suicides de nos jours ? Spinoza fournit en effet une petite typologie, non exhaustive, de ces cas, qu'il considère pourtant comme bien différents. Devant une telle théorie, si déroutante, définitivement paradoxale, y a-t-il un modèle suffisant qui nous permettrait de faire une analogie pour mieux la comprendre ?
[...] Spinoza et l'impossibilité du suicide : un modèle pertinent pour comprendre cette théorie ? Spinoza ne réfléchit pas à proprement parler sur le suicide et, surtout il ne discute aucunement la moralité ou l'immoralité attachée à cet acte mais s'intéresse plus exactement à l'existence ou plutôt l'inexistence d'un tel fait. Or, c'est une réponse plutôt surprenante et qui semble tout à fait contraire au bon sens, au témoignage de l'expérience, qu'il nous propose : LE SUICIDE N'EXISTE PAS, à proprement parler. [...]
[...] Ainsi, l'auto-immunité est la rupture des mécanismes de tolérance qui conduit à l'action pathogène du système immunitaire vis-à-vis de constituants naturels de l'organisme. Les maladies auto-immunes dépendent en fait de deux types de facteurs : de facteurs immunogénétiques d'une part, de facteurs d'environnement d'autre part. Aussi on voit les limites de ce modèle pourtant très éclairant : dans les maladies auto- immunes, les facteurs immunogénétiques (c'est-à-dire internes, propres à l'individu) sont très importants dans le déclenchement de ce type de maladies (comme le montre la propension de ces maladies à se transmettre de façon héréditaire). [...]
[...] C'est ce qui permet de comprendre des formules aussi paradoxales que celles que l'on a relevées au début. Le véritable meurtrier, dans ces cas, n'est jamais réellement celui qui commet le meurtre : il faut donc cesser de penser le suicide en termes d'agent et de volonté. Le suicide est à comprendre comme la conséquence d'un affect passif, c'est-à-dire d'un affect dont l'affecté n'est pas la cause. On peut aussi tenter de proposer un autre modèle pour comprendre cette conception radicalement nouvelle du suicide : celui de la dépendance narcotique. Pourquoi ce modèle pourrait-il convenir ? [...]
[...] Deleuze parle du suicide chez Spinoza comme d'une maladie auto-immune. Dans son cours du 06/01/1984, il s'explique sur cette interprétation : certaines parties de nous-mêmes, sous un rapport, se comportent comme si elles étaient devenues l'ennemi des autres parties de nous-mêmes, sous d'autres rapports Si bien que l'on assiste à cette chose étonnante : un corps dont toute une partie va tendre à supprimer les autres Il précise même : ce sont des espèces de maladies auto-immunes psychiques Il est bon de rappeler la définition précise d'une maladie auto-immune pour voir si elle correspond parfaitement à l'idée que se fait Spinoza du suicide. [...]
[...] Ainsi aucun acte supposé ne peut être un suicide, puisqu'il n'est en aucun cas causé par l'agent, qu'il ne découle pas de la nature propre de l'agent. Si l'on accepte cette deuxième interprétation, qui paraît la plus satisfaisante, on voit que Spinoza refuse tout à fait de condamner le suicide par principe, d'après des arguments moraux (il ne cherche pas à trouver ce fameux argument qui pourrait ramener l'homme perverti au bien, comme le propose Blyenbergh). Peut-être que le suicide est recommandé en ce que l'homme atteint de telles pulsions destructrices est déjà mort en quelque sorte de ses contradictions internes, et n'est de toute façon pas un organisme viable. [...]
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