Mais qui est Jean Bodin ? Né à Angers en 1529, il étudie le droit romain et les principes généraux du droit à l'université de Toulouse. En 1561, il est agréé comme avocat au Parlement de Paris. Il est profondément marqué par le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572 et c'est en tant que député du Tiers-état qu'il se prononce en faveur de la paix religieuse aux Etats généraux de Blois. En 1566, la publication de la Méthode pour faciliter la connaissance de l'Histoire, véritable « Esprit des lois » avant l'heure, lui vaut déjà un succès européen parmi les érudits.
Son deuxième et célèbre ouvrage, Les Six Livres de la République, publiés en 1576 en langue « populaire » sont la somme juridico-politique du siècle et marque la naissance de la science politique. Cet ouvrage est considéré à juste titre comme une première théorisation de l'Etat moderne grâce à sa définition concrète de la souveraineté comme essence de l'Etat. Avec beaucoup de modestie, il écrit au chapitre VIII que je me propose d'étudier : « Il n'y a ni jurisconsulte, ni philosophe politique qui l'ait définie bien que c'est le point principal et le plus nécessaire d'être entendu au traité de la République ». En quoi la notion de souveraineté est-elle fondamentale pour la République ? En quoi marque-t-elle une rupture par rapport aux conceptions précédentes ? En quoi annonce-t-elle précocement la naissance de l'Etat moderne ?
[...] La souveraineté sert donc la communauté politique. Spitz, auteur de Bodin et la souveraineté, parle d'une révolution capitale puisqu'il existe une puissance unilatérale légitime qui agit pour le bien de toute la communauté. Et cette personne n'est pas physique mais morale et incommensurable. En résumé, la notion de souveraineté au sens de Bodin marque la naissance de l'Etat moderne comme pourvoyeur de paix et de sûreté au sein même de la communauté politique. L'Etat est celui qui donne la loi et la fait respecter par la multitude. [...]
[...] La souveraineté est toujours relative. Cette souveraineté n'a-t-elle donc aucune limite ? Pour Bodin, contrairement à Machiavel, un pouvoir arbitraire est impensable. La République est gouvernée de manière harmonique. Ainsi, les limites de la souveraineté sont-elles naturelles. En effet, il dit lui-même que l'idée même d'une souveraineté qui serait limitée par autre chose que la propre volonté du souverain et la loi de la nature est absurde et contradictoire. Le roi a donc le pouvoir d'abroger ses propres lois. Bodin dénombre trois limites qu'il développe dès son premier ouvrage, à savoir la Méthode publié en 1566 : - La loi naturelle et la loi divine : le roi de France est le lieutenant du Seigneur dans son royaume. [...]
[...] La souveraineté nécessaire Jean Bodin a une idée très précise du contenu de la souveraineté. S'il n'y avait qu'une seule idée à retenir, ce serait celle-là : la souveraineté permet de disposer d'un pouvoir suffisamment dégagé de toute entrave pour pourvoir en toutes circonstances la communauté des lois dont elle a besoin. Enumérons rapidement quels sont, selon Jean Bodin, les attributs de la souveraineté (on peut parler d'omni-compétence de l'Etat moderne) : - Le pouvoir de déclarer la guerre et de conclure la paix, c'est l'épée de guerre ; - Le pouvoir de connaître et juger les procès, de contraindre et de punir, c'est l'épée de justice ; - Le pouvoir de faire exécuter des décisions car il est le souverain juge ; - Le pouvoir d'élire tous les officiers, magistrats et conseillers ; - Et enfin, et c'est là, je crois, le plus important, le pouvoir de faire et d'abroger les lois. [...]
[...] Il n'existait pas de pouvoir transcendant tous les autres. La notion se précise quelques siècles plus tard sous la République à Rome sur laquelle Bodin se penchera avec beaucoup d'attention. On y retrouve le summum imperium qui désigne à l'origine un pouvoir militaire puis le pouvoir de diriger. Il exhume également la majestatem qui désignait la toute puissance de l'empereur romain. C'est cette dernière conception que retiendront les légistes français du Moyen Age. Au cours des XVe et XVIe siècles, la réception du droit romain comme droit impérial en Allemagne popularise la notion romaine de majestas. [...]
[...] En quoi est-il nouveau ? Voici quelle est la définition que donne Bodin de la souveraineté dans le chapitre VIII de La République : la souveraineté est puissance absolue et perpétuelle d'une République Qu'est ce qu'une République ? C'est, nous dit-il, un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine Deux termes de la définition doivent attirer notre attention, à savoir perpétuelle et absolue : - Pour qu'une puissance soit considérée comme souveraine, elle doit être perpétuelle. [...]
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