Dans notre société de consommation durement marquée par le stress, portée par l'évolution à tous prix et promise à un avenir plus qu'incertain, l'individu a de plus en plus de mal à trouver sa place. La nécessité pour chacun de se recentrer sur lui-même, son bien-être et sa vie propres, se fait alors d'avantage sentir à mesure que les années passent. "S'aimer", "se respecter", "s'accepter" tel que l'on est, autant de préceptes que l'on tente désormais de faire appliquer aux hommes autant entre eux qu'envers eux-mêmes.
Pourtant, si l'on regarde en arrière, philosophes, psychanalystes et autres penseurs se sont, de tous temps, penchés sur la question. Pour quelles raisons, au fil des siècles, diverses écoles de pensées ont-elles préconisé de se préoccuper de soi ?
D'autre part, tout homme est intégré à une société au sein de laquelle il est sans cesse mis en relation avec d'autres individus. Se préoccuper de soi implique-t-il de se couper des autres ? Et est-il possible de ne penser qu'à soi, de n'agir qu'en soi, pour et par soi ?
Enfin, le "Je" pensant s'oppose à nos yeux naturellement à "autrui" ou aux "autres" - autres que soi en tant que personne ou « autres » porteurs d'idées et de valeurs différentes des nôtres. "Soi" se pose-t-il alors forcément comme l'antithèse fondamentale d'"autrui" ? Peut-il y avoir de "Je" sans les "autres" ?
Si de nos jours on interpellait des gens dans la rue pour leur demander quelle est la différence entre l'orgueil et la vanité, la plupart, si ce n'est pas la totalité, répondraient que ces deux adjectifs sont synonymes. Pourtant, gare à la méprise qu'engendre ici la perte de sens progressive et généralisée des mots de la langue française ! En effet, il y a à peine plus d'un siècle, Nietzsche évoquait une toute autre relation entre ces deux termes - relation d'opposition pure et simple. Si l'homme vaniteux ou orgueilleux est aujourd'hui considéré comme imbu de sa personne, vantard, narcissique, hautain ou encore méprisant, il en est tout autrement pour le philosophe. Tout d'abord, la vanité est associée aux âmes serviles nommées ainsi car elles existent par soumission - ici, aux valeurs de la société dans laquelle elles vivent. L'homme vaniteux ne peut avoir d'importance et ne trouver de soutien et d'amour que dans les yeux des autres et leur jugement (...)
[...] Se préoccuper de soi peut aussi passer par le partage d'expériences et de conseils avec les autres. Prendre en compte ce qu'ont vécu et ce à quoi ont assisté les autres permet à une personne "en recherche d'elle-même", comme à tout un chacun, de s'enrichir et ainsi d'approfondir sa démarche personnelle. Si, au lieu de rester sur ses positions et de refuser tout contact avec les autres sous prétexte qu'ils peuvent lui être néfastes, un individu choisit de s'ouvrir et de profiter de la multitude de connaissances qu'ils peuvent lui apporter, cela ne peut que lui être bénéfique. [...]
[...] Chacun trouve toujours une raison pour s'inquiéter du lendemain, mais aussi, pour telle ou telle autre, d'attendre avec impatience un jour à venir. Car, en plus de se détester, de s'inventer des peurs et de se croire promis à un destin tragique, l'homme si l'on force un peu le trait, bien sûr demeure un éternel insatisfait. Quand il ne regrette pas un passé heureux, il vit dans l'attente d'un évènement prévu comme heureux. Bref, l'être humain réfléchit trop et ne sait pas profiter de l'instant, de ce que la vie lui offre, là, maintenant : Carpe Diem diraient les jeunes épicuriens balbutiant. [...]
[...] L'homme qui cultive jour après jour son amour propre, se juge sans avoir besoin du regard des autres, s'estime pour ce qu'il est et non pour ce que les autres voient de lui, effectue pour cela un travail de chaque instant sur sa manière de fonctionner qui se porterait sinon naturellement vers un appui extérieur. Au terme d'un exigeant entrainement de l'âme fait d'exercices répétés, l'homme va alors pouvoir se défaire des contraintes externes qu'on lui imposait auparavant pour atteindre une certaine hauteur d'âme et être à lui-même sa propre norme. C'est en cela que le processus de réconciliation avec soi-même coupe quelque part de la société. [...]
[...] Les comportements intolérants se révèlent souvent être l'expression d'une haine de soi chez leurs auteurs. Les défauts ou simples différences que l'on ne supporte pas chez les autres sont parfois même ceux dont on cherche à nier l'existence en nous-mêmes. Le dicton populaire dit bien en effet que la violence est l'expression du faible. Ici, le faible est celui qui ne trouve pas le courage d'entamer un travail personnel pour améliorer sa manière d'être ou s'accepter, voire s'aimer tel qu'il est. [...]
[...] Il en aura pourtant besoin pour pouvoir s'y retrouver et, par la suite, se construire une vie propre. Ainsi le phrônimos d'Aristote tient-il sa vertu première, celle du caractère, du façonnement éducatif qu'ont exercé sur lui ses parents. De la même manière, une vie accomplie n'est réalisable que comme résultat d'une double discipline. Dans un premier temps, celle-ci provient de l'extérieur par l'éducation que reçoit l'individu durant ses années d'immaturité nommées "enfance" et qui se destine à l'affranchir de ses besoins affectifs élémentaires. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture