Deux exigences contradictoires s'affrontent concernant le désir. D'une part, l'idée d'une maîtrise de soi, d'une éducation de ses pulsions, présuppose la responsabilité à l'égard du désir. A l'inverse, le désir, qui est éprouvé passivement, paraît exprimer une nature profonde de notre être sur laquelle nous n'avons pas prise. Ce conflit doit-il se résoudre par l'abandon de la notion de responsabilité considérée comme une illusion liée aux préjugés de la morale? Ou bien est-il possible de concilier la dépendance du moi à l'égard d'une nature et la liberté qui seule rend possible la responsabilité?
L'idée de responsabilité a une origine morale. Être responsable d'un acte, c'est en être l'auteur. La responsabilité renvoie donc à la liberté : mes actes ne s'expliquent pas par une contrainte extérieure ou intérieure, ils relèvent de mon initiative. D'où nous est venue l'idée de notre responsabilité? On peut penser qu'elle a d'abord un sens moral : être responsable, c'est répondre de soi, c'est rendre des comptes. La responsabilité renvoie à la présence d'autrui. C'est parce que nos désirs impliquent les autres que nous en sommes responsables. Mais, plus fondamentalement, le respect d'autrui suppose la conscience morale. C'est la présence de la loi morale en moi qui m'apprend que je suis responsable et donc libre. La liberté est en effet présupposée par la loi morale : cette dernière perdrait tout crédit en prescrivant l'impossible. Or, comme Kant l'a montré dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, la loi se présente comme l'exigence absolue d'agir par devoir, au lieu de me laisser simplement conduire par mes inclinations. La loi morale affirme donc ma liberté et ma responsabilité à l'égard du désir.
Cette responsabilité ne concerne pas seulement le passage à l'acte mais la formation du désir elle-même. Par exemple, le Christ dans le « Sermon sur la montagne » enseigne que la faute n'est pas seulement dans l'adultère, mais aussi dans la convoitise. Éprouver la tentation, c'est déjà, en quelque manière, être dans le mal, c'est avoir accueilli la possibilité du mal. L'appel à la sainteté contenu dans la loi morale réclame un renouvellement du cœur. C'est donc que je suis responsable du plus secret de mes désirs.
[...] Le désir inconscient n'est donc pas, à proprement parler, un désir. Que signifie alors l'idée de désir inconscient? Elle est introduite pour rendre compte de certains événements comme la névrose ou le rêve incompréhensibles par ailleurs. On rend ces événements intelligibles en supposant qu'ils résultent d'un désir dont pourtant le sujet n'a pas conscience. Comme il n'y a pas de sens cependant à parler de désir inconscient le psychanalyste ne peut plus interpréter sa découverte qu'en faisant de ce désir une cause semblable à celle des physiciens. [...]
[...] On le pourra en commençant par ôter toute substantialité à la notion de nature, et en étant attentif à la spécificité de l'expérience intérieure par rapport à l'expérience des sciences physiques. C'est au prix de ce travail philosophique que l'on pourra maintenir un sens à la notion morale d'une responsabilité à l'égard du désir. Bibliographie Descartes, Discours de la méthode Rousseau, La Nouvelle Héloïse Bachelard, La psychanalyse du feu Ricoeur Paul, Philosophie de la volonté Levinas Emmanuel, Difficile liberté Levinas Emmanuel, Éthique et Infini J. [...]
[...] D'autre part, le caractère involontaire du désir est ambigu. II peut renvoyer à un donné que la conscience ne produit pas (lié à mon corps en particulier). Il peut provenir d'un acte qui, quoique libre, n'est pas conscient de lui-même comme l'est l'acte volontaire (par exemple, la manière dont j'existe à travers mon corps). La nature a été aussi caractérisée par la notion de loi. Que devient cette notion lorsqu'on cesse de faire de la nature une réalité substantielle? Nature et liberté ne sont plus alors que les deux points de vue sous lesquels nous envisageons notre action. [...]
[...] La responsabilité renvoie à la présence d'autrui. C'est parce que nos désirs impliquent les autres que nous en sommes responsables. Mais, plus fondamentalement, le respect d'autrui suppose la conscience morale. C'est la présence de la loi morale en moi qui m'apprend que je suis responsable et donc libre. La liberté est en effet présupposée par la loi morale : cette dernière perdrait tout crédit en prescrivant l'impossible. Or, comme Kant l'a montré dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, la loi se présente comme l'exigence absolue d'agir par devoir, au lieu de me laisser simplement conduire par mes inclinations. [...]
[...] Ne doit-on pas simplement rejeter l'idée de responsabilité au rang des illusions? La liberté est dans le passage du désir à l'acte. Si nous ne sommes pas libres de former nos désirs, nous décidons au moins du passage à l'acte. Nous pouvons toujours dire non J'ai beau avoir très envie de fumer, il m'appartient de tendre la main vers le paquet de cigarettes. On peut bien dire qu'entre le désir et l'acte, il y a un rapport de cause à effet, mais je suis la puissance active qui lie la cause à l'effet. [...]
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