La canicule de l'été 2003 a relancé le débat sur la solitude des personnes âgées en France, suite au décès de dizaines de personnes dont les corps n'ont été réclamés par les familles (en vacances) que tardivement ou pas du tout. La solitude apparaît comme un des faits marquants dans nos sociétés contemporaines, où l'on dresse souvent le constat du mal de vivre, du fossé intergénérationnel qui isole les personnes âgées, de la non-communication, de l'exclusion. D'emblée, le concept apparaît connoté comme moderne et négatif. Or, la solitude est un phénomène ancien, présent à toutes les époques et dans toutes les sociétés, mais dont la nature s'est transformée. Elle est d'ailleurs plus un sentiment qu'un phénomène, car tout homme peut se sentir seul, sans l'être pour autant, au milieu de ses semblables (...)
[...] Les sociétés modernes sont aussi marquées par l'augmentation du nombre de divorces, de familles monoparentales, de vieux célibataires, et, le nombre d'enfants chutant bien souvent en dessous ou à la limite du seuil de renouvellement des générations , produisent des individus qui, au-delà d'un certain âge, se retrouveront seuls. Peu de foyers intègrent aujourd'hui plus de deux générations, parents et 1 enfants. Les grands parents appartiennent déjà à un ancien monde. Les enfants quitteront la maison pour fonder un nouveau foyer. De fait, aujourd'hui, on meurt peu en famille, et on y vieillit de moins en moins. [...]
[...] CONCLUSION Le sentiment de solitude s'est étendu tandis que la solitude changeait de forme et de nature à travers les siècles. Les sociétés contemporaines, marquées par l'individualisme et l'idéal de liberté, doivent réinventer un lien communautaire permettant à la fois de redonner à la solitude choisie toute sa valeur et de tempérer les solitudes subies. Le modèle espagnol de «commercialisation du marché de la solitude par l'échange d'une présence (d'un étudiant) contre un logement (chez la personne âgée), avec un partage adéquat des tâches et des frais du nouveau ménage pourrait être étendu à la France par le biais d'associations. [...]
[...] Le thème de cette solitude d'individus entourés témoigne de l'importance et de la prééminence du sentiment sur le fait réel de solitude. Mais, qu'elle soit réelle ou uniquement perçue, la solitude ne peut être ignorée, de par ses aspects négatifs pour l'ensemble social. La société ne peut laisser se 3 développer en son sein des poches d'isolement, de personnes âgées dépendantes laissées sans soins, d'exclus abandonnés dans les rues, de jeunes n'ayant plus que l'oubli par la drogue ou le suicide comme recours. [...]
[...] Mais l'âge n'est pas le seul facteur de solitude dans nos sociétés contemporaines. Comme autrefois, des populations marginales sont écartées du groupe social dominant et peuvent connaître un fort sentiment de solitude : - certains étrangers, toujours perçus avec méfiance et circonspection, qui peuvent alors connaître une double solitude, tant individuelle que de groupe ; - certaines personnes ayant des difficultés à s'intégrer dans un modèle social donné, comme les illettrés ou les handicapés, qui doivent être entourés et aidés pour des gestes banals de la vie quotidienne, où encore les chômeurs de longue durée, qui perdent peu à peu leur capital social tant professionnel que familial ; - certaines classes sociales qui ne bénéficient plus d'un attrait auprès des jeunes, comme les agriculteurs condamnés au célibat dans certaines régions, ou les prêtres dont la vocation n'est plus comprise dans des sociétés en quête d'une spiritualité perdue ; - les sans domicile fixe, dont l'exclusion de la société de consommation est souvent totale, qui n'ont plus dès lors comme lien social que leurs semblables et les permanents des associations les secourant. [...]
[...] Dans les sociétés anciennes, la pire punition avant la mort était le bannissement et l'exil, loin de sa famille et de son clan. Le solitaire était souvent un reclus. Or, aujourd'hui, il s'agit plus souvent d'un exclu. Dans nos sociétés contemporaines, un tiers de la population vit seul. Ce qui ne signifie pas, bien évidemment, que ce tiers-là ait un sentiment de solitude. Les modes de vie ont changé : l'éclatement des familles, l'éloignement professionnel, l'instabilité des foyers sont autant d'éléments conduisant à l'isolement d'individus de plus en plus nombreux. [...]
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