Un individu ne ressent pas la société dans laquelle il vit comme une addition d'individus mais comme une Substance qui les transcende (comme peut l'être la Nation). Cette transcendance est celle de ce que Lacan appelle le grand Autre (ordre symbolique ou Substance spirituelle) qui est une illusion (nécessaire) dans le sens où l'incomplétude du sujet (sa non-transparence à soi), entraînant une angoisse vis-à-vis des autres individus (que veulent-ils ?), entraîne celui-ci à s'en remettre à une fiction symbolique qui évite l'impasse de l'opacité des sujets « en présupposant la coordination-des-intentions comme déjà-donnée ».
L'existence de la fiction symbolique ne sert donc pas à ce que les individus se comprennent les uns les autres (par une interaction subjective) mais à ce qu'ils se conforment à des règles communes. Cette Substance est donc virtuelle dans le sens où elle est fondée sur des règles « dont la validité est par définition présupposée, jamais prouvée de façon concluante : le statut de l'Autre est à jamais celui d'un semblant. » Le Sujet est lié au symbolique donc, avant tout parce qu'il n'y a pas de Sujet sans Autre, c'est pourquoi Lacan représente le Sujet sous la forme du S barré ($) qui représente sa division. Le Sujet en effet n'est pas « total » : « Si on était totaux, on serait chacun de son côté, total, on se serait pas là, ensemble, à essayer de s'organiser ». D'autre part, cette division renvoie aussi au désir de l'Autre qui n'a pas réponse à la question de l'être du Sujet, c'est aussi ce manque chez l'Autre qui constitue le fantasme (fantasme qui voile la division du sujet). Le « il n'existe pas de rapport sexuel » de Lacan peut alors être compris comme suit : puisqu'il n'existe pas de formule symbolique du rapport de complémentarité entre les deux sexes, l'individu a besoin du fantasme pour pouvoir s'engager dans un rapport sexuel.
[...] Transposé au niveau politique, le sujet a besoin du fantasme pour s'engager dans un rapport social. Le fantasme est une mise en scène du désir, le désir de l'objet a qui a été irrémédiablement perdu et qui est constitutif du manque propre au Sujet. L'objet a est aussi appelé objet-cause du désir : objet dans le sens où il constitue le but que le sujet cherche à atteindre sans le pouvoir. L'objet a est aussi la cause du désir dans le sens où, en tant que tenant-lieu du vide de la subjectivité, il tente de corriger l'angoisse de l'opacité du sujet (sa non-coïncidence à soi) en posant l'Autre (l'ordre symbolique) comme extériorité radicale avec laquelle il peut s'identifier grâce au fantasme. [...]
[...] Disons que l'homme est l'animal dont la vie est gouvernée par des fictions symboliques. C'est ainsi que se met en place un "demeurer avec le négatif", c'est ainsi que la négativité comme telle acquiert un être positif, déterminé : quand la vie réelle même d'une communauté est structurée en référence à des fictions symboliques. 2 / Les deux formes du grand Autre Le grand Autre apparaît toujours dans le discours idéologique sous deux formes contradictoires. Il peut tout d'abord apparaître comme un méta-sujet permettant d'expliquer la Totalité et dirigeant les acteurs tout en étant dissimulé derrière la scène. [...]
[...] Réduire les droits de l'homme et les libertés bourgeoises à une simple apparence formelle conduirait, rajoute Zizek, à tomber dans le piège de l'hypocrisie stalinienne : Si elles étaient simplement formelles et ne perturbaient pas les vraies relations de pouvoir, pourquoi donc le régime stalinien ne les a-t-elle pas autorisées ? Pourquoi en avait-il si peur ? L'institution symbolique dont l'efficience est des plus probante est sans doute l'administration étatique, dont Zizek dit qu'elle est comparable en tous points à Dieu Toute puissante et impénétrable, capricieuse, omniprésente et invisible Cette efficience de l'institution, qui relève d'un mystère divin s'apprécie du fait que lorsque celle-ci nous somme de choisir entre sa parole et nos yeux, nous choisissons sa parole. [...]
[...] mais Que les autres veulent-ils de moi ? autrement dit c'est le grand Autre, en tant qu'instance symbolique et garante du lien social, qui me dit quoi et comment désirer. Le problème du capitalisme, nous le développerons plus loin, est d'avoir dissous ce grand Autre en faisant croire aux individus que l'objet du désir pouvait s'obtenir directement, sans passer par l'Autre, entraînant ainsi la confusion de l'objet du désir et la perte qui cause le désir. Cela nous amène à comprendre en quoi l'objet immanent à l'appareil psychique, entraîne un décalage entre la réalité et le principe de plaisir tout en faisant dérailler celui-ci en le forçant à jeter un regard sur le monde. [...]
[...] Zizek, La parallaxe, p.161. Zizek, La parallaxe, p.160. [...]
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