D'abord il n'est pas sûr qu'on puisse identifier son et bruit. Dans notre langue, on appelle sonorité ou son, les manières particulières qu'ont les choses de bruire : on distingue un verre de verre et un verre de cristal en les faisant sonner ; le fût plein ne rend pas le même bruit que le fût à moitié vide. Ainsi ce sont toujours les choses qu'on entend bruire, choses qui conservent leur sonorité quand elles ne bruissent pas (...)
[...] Bref el paysage que je découvre qui ne m'est pas familier, ne parle comme les lieux connus. Cette analyse permet de rapprocher absence de bruit et absence de parole. Il y a du silence lorsqu'il y a absence de dire de la part d'un être ou d'une chose (car à sa manière la chose qui bruit qui quelque chose). Le silence est non dire. Dans cette perspective, le silence est non- être, absence. Et de néant, peut-on en parler ? Comment ceux qui en parlent, parlent-ils du silence ? Soit par exemple le physicien. [...]
[...] Le silence n'enlève donc rien à la richesse de la parole. De même le silence n'est riche que parce qu'il permet la complicité et appelle la confirmation par la parole : quand on se tait ensemble, ce n'est pas qu'on n'ait rien à dire, mais que le silence est seul propice au véritable échange qui va suivre : tel est le cas des amants. C'est pourquoi aussi toute parole échangée entre les prisonniers au secret prend un prix inestimable : alors la richesse inaperçue de la parole apparaît mieux parce que le silence, en montrant le dénuement de la parole, dévoile son extrême richesse en même temps. [...]
[...] On voit aisément que la réflexion sur le silence n'est pas dénuée d'intérêt : le silence nous éclaire sur la nature de la parole vraie. Car il faut apprendre à dire. Et apprendre à dire, c'est apprendre comment la parole fait son chemin dans le silence. N'est ce pas ce que PROUST voulait dire : Les livres sont l'œuvre de la solitude et les enfants du silence. ? [...]
[...] Le candidat pris de trac ne dit rien. C'est l'émotion, dit-on, qui lui coupe la parole, comme devant un péril imminent a les jambes coupées Soit. Mais l'émotion suppose une menace. Dans le trac, ou est la menace ? Ou est le danger ? La crainte d'avoir une mauvaise note ? Alors pourquoi avouent-ils n'avoir rien dit alors qu'ils savaient ? Après tout, la mauvaise note n'est pas présente comme peut l'être un danger, puisqu'elle est la sanction d'une réponse qui n'a pas encore été donnée. [...]
[...] Le bruit annonce donc quelque chose : il dérange, il donne un signal, même lorsqu'on n'y prêtait pas attention. Le bruit vient me chercher ou je suis. C'est pourquoi il peut vraiment déranger, agacer : le citadin qui recherche le silence de la campagne désire ne plus être sollicité, dérangé par les choses qui bruissent, se laisser aller dans un milieu ou les choses ne comptent plus que par elles- mêmes, dans leur sonorité. Bref le citadin semble fuir le bruit du tonnerre pour le berger parmi ses blancs moutons et le bruiteur à l'abri, attentif au son qu'il pourra retransmettre par exemple avec une tôle. [...]
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