« Tous les hommes désirent naturellement savoir » dit Aristote au commencement de sa Métaphysique . Ainsi l'homme, faisant face aux phénomènes, les observant et les percevant, ne se contente pas de cette relation sensible au monde et à ce qui s'y fait, il désire en plus en comprendre le sens, accéder à un savoir. Mais qu'est-ce que savoir, qu'est-ce que signifie précisément dépasser la simple observation, la simple vue des phénomènes, pour accéder à une connaissance concernant ces faits auxquels nous assistons ? Quel saut s'opère-t-il là ?
[...] En effet, comme nous disions au commencement, l'étant, ces étants là qui se trouvent dans le monde, nous les abordons et en faisons d'abord l'expérience par les sens. Nous les éprouvons, nous les voyons, nous rencontrons ce qu'ils sont d'une manière sensible. Et la raison n'a là rien à y faire. Le monde vient d'abord à notre rencontre justement sans raison. Enfant, nous ne parlons pas (ce qui est d'ailleurs l'étymologie du mot « enfant »), et pourtant nous interagissons avec le monde, nous allons à la rencontre de l'étant, en jouant par exemple. [...]
[...] C'est le premier maillon de la chaine de raisonnement. Mais donc, si nous faisons bien attention ici : par définition encore, un axiome ne se démontre pas. Il est posé au commencement de la chaine de raisonnement. La vérité de cette raison première n'est donc nullement assurée par le raisonnement lui-même, puisqu'au contraire il fonde le raisonnement. C'est donc naturellement en ce domaine, non seulement des raisons qui, comme nous l'avons dit, sont des productions de l'esprit humain et des énoncés logiques, mais qui plus dans des raisons premières, qui n'ont d'autres fondements qu'elles-mêmes et qui n'ont elles-mêmes pas de raisons, que nous allons le plus évidemment trouver, dans la constitution des différentes sciences, ce que nous pourrions à juste titre appeler des inventions. [...]
[...] Elle est une production de l'esprit. Et dès lors s'ouvre le problème : cette raison que nous donnons aux choses, dans quelle mesure est-elle une production arbitraire de notre esprit, une pure invention ? Et dans quelle mesure est-elle la vraie raison des choses ? Allons encore un peu plus loin. Admettons que nous avons trouvé la cause d'un phénomène, nous pouvons alors demander : quelle est la cause de cette cause ? Cette raison, que nous avons trouvé au fait observé, quelle en est à son tour la raison ? [...]
[...] Pensons ici à l'enfant qui demande sans cesse « pourquoi ? » : à chaque fois que nous lui donnons une réponse, « parce que ceci », il redemande : « pourquoi ». Et ceci, sans fin Face à cette tendance, Kant indique : c'est là encore l'esprit humain, qui, a un moment donné, impose une cause première. C'est l'esprit humain qui, parce que lui-même n'est pas infini, parce que lui-même est limité, a besoin de s'arrêter dans ce processus de remontée des causes, et de poser, au commencement de son raisonnement, une cause première. [...]
[...] En ce sens le principe d'inertie est bien une invention de l'esprit. Un concept de l'esprit, surajouté aux phénomènes, et qui ne provient pas des phénomènes eux-mêmes. J'ai beau contempler, outre mon propre corps, d'autres corps naturels qui se trouvent autour de moi, celui de ma famille, de mon chien, de mon chat, ou encore des plantes et des arbres qui m'environnent, nulle part la nature elle-même, dans ce qu'elle me donne à voir par les sens, ne m'indique que le mouvement est avant tout un mouvement rectiligne uniforme qui ne s'arrête pas tant que rien ne l'arrête. [...]
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