Les êtres humains forment un ensemble organisé, dont les jonctions dépassent le simple fait d'appartenir à une même espèce. Si les ressemblances et parentés physiques et morphologiques contribuent à faire de ce groupement une société ou communauté, cette dernière n'excèderait pas les limites de la meute animale sans un partage de l'ordre de l'intellect.
[...] Les vérités sensibles ne sont en effet pas des faits que l'homme doit sans cesse vérifier. Elles s'inscrivent, par le biais de la mémoire notamment, dans le bagage des notions communes à tous les hommes, aux principes évidents sensés constituer le socle inébranlable de l'esprit humain. S'il est vrai que cet ensemble de croyances humaines initiales se calque sur le modèle des intuitions et vérités sensibles, il peut ensuite s'étendre et s'élever aux opinions et croyances communément admises, supposées venir et surtout convenir à tout esprit raisonnable, autrement dit à tout esprit humain. [...]
[...] Les êtres humains disposent donc d'un bagage sensible commun, dont ils se savent les uns les autres dotés. Quand bien même le concert des informations sensibles aura des impacts différents sur les différents êtres, qui ne s'accordent pas sur les qualités requises à un état de confort, d'agrément ou à l'inverse d'inconfort et de rejet ; ils se savent les uns les autres successibles de comprendre et d'imaginer leur sensation respective. C'est en cela qu'il faut distinguer commun de général ou de en général puisqu'il ne s'agit pas d'une moyenne ou d'une disposition vérifiée le plus souvent mais bel et bien d'un fond universel immuable inscrit dans le rapport des hommes au monde et entre eux. [...]
[...] Ceci est dû tout d'abord au fait que leur rapport au monde s'effectue par le biais de sens et d'expériences sensitives similaires mais aussi qu'ils partagent un socle commun d'idées et de notions, qui forme un terrain d'entende potentiel : ils ont une même estimation de ce qui est réel et de ce que le réel rend possible ou empêche. C'est dire que les hommes partagent initialement et presque primairement les dispositions communes nécessaires à leur interaction. Ces vérités et croyances les plus primaires forment généralement ce que l'on appelle le sens commun. On entend ainsi distinguer ce dernier d'un savoir plus élaboré qui se construira ensuite sur sa base, et qui diverge selon chaque individualité. [...]
[...] Mais c'est là tout le paradoxe du sens commun. S'il est le pilier de la communauté, il est aussi ce qui y enferme irrémédiablement l'homme. Tout comme Kant parlait de l'apprentissage du langage chez l'enfant comme l'aliénation primaire sans laquelle il n'est pas homme ; le sens commun constitue un carcan similaire qui anéanti jusqu'à la possibilité d'une pensée libre. Exigence de ne pas s'éloigner des notions communes à la foule, cela en devient jusqu'à l'impossibilité. Le sens commun constitue finalement un filet réducteur à travers les mailles duquel l'homme ne peut passer. [...]
[...] C'est là qu'il faut distinguer sens commun de lieu commun : le lieu commun n'en est que l'expression fallacieuse, dans l'élaboration duquel la tension du bon sens a pris l'ascendant sur le sens commun. Une proposition qui appartient au sens commun n'est pas vide ou creuse. Effectivement, le sens commun n'est pas ce qui, sur le modèle ou l'impulsion de l'évidence sensible, donne accès à des vérités immuables, mais au contraire inscrit l'accession à ses vérités dans un rapport étroit avec le monde et le sensible commun Tout jugement élémentaire du sens commun allie faculté sensible et faculté rationnelle. [...]
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