Valeurs morales, subjectivité, Nietzsche, théorie non-cognitiviste, intériorité, théorie expressiviste, relativisme culturel, naturalisme, principe de simplicité, erreur morale, théories métaéthiques, nihilisme, Emmanuel Kant
Se pose la question de l'origine de certains phénomènes, que l'on cherche généralement à situer dans la subdivision binaire d'une origine humaine (subjective) ou naturelle (objective). Pour Spinoza, la valeur que revêt un objet donné n'est pas universelle, mais bien colorée par notre mode de pensée, nos jugements et nos désirs. Qu'en est-il toutefois en ce qui concerne les jugements moraux ? Cette interrogation se rapporte à l'étude de la philosophie morale, et plus précisément à la branche de la métaéthique, en cela qu'elle cherche à répondre à l'une des questions qui est à son fondement : selon nous, que sont les valeurs morales ? Il est aisé de repérer un paradoxe interne à cette problématique. En effet, le but des valeurs morales par essence est de tendre à l'universel et à l'inconditionnellement vrai, autrement dit de viser une forme d'objectivité : pourtant, on cherchera à les définir d'un point de vue qui nous est propre, c'est-à-dire subjectif -et donc nécessairement d'un point de vue humain.
[...] Mais dans ce cas, ne sont-ils pas simplement trop étranges pour exister ? Si nous suivons l'argument naturaliste, nous pouvons dire que tout ce qui n'est pas explicable par les sciences empiriques n'est pas compris dans le domaine de l'existant. Cela est simplement dû au problème que posent les entités non naturelles, dont la théorisation engendre, finalement, plus de questions que de réponses – des questions sur leur nature, leur situation, leur portée Puisque les propriétés morales n'existent pas, les faits moraux n'existent pas non plus ; et s'il n'y a pas de faits moraux, les propositions morales ne peuvent être que fausses. [...]
[...] Il peut se rapporter à un sujet seul (relativisme du locuteur), ou à une communauté (relativisme culturel). Attardons-nous sur cette dernière conception : la notion de relativisme culturel a été largement étudiée au cours des derniers siècles, notamment par le philosophe et ethnologue Claude Lévi-Strauss (1908-2009), et son principe s'oppose diamétralement à celui de l'ethnocentrisme culturel. Le relativisme culturel s'inscrit dans une volonté de pacifier les relations intercommunautaires en comprenant et en acceptant les différences culturelles : c'est là tout l'enjeu de la tolérance. [...]
[...] En effet, face à la question « telle action minimise la douleur (phénomène naturel), est-elle bonne (prédicat moral) ? », on ne peut de façon évidente mettre en lien les deux attributs comme s'ils signifiaient la même chose. Minimiser la douleur n'est pas identifiable avec la moralité d'une action. Avec la version revisitée du naturalisme réductionniste, on peut proposer que les prédicats moraux et naturels ne soient pas synonymes, mais qu'ils désignent les mêmes entités ; toutefois, cette théorie est contrecarrée par l'argument de l'autorité morale, qui avance que les propriétés naturelles, à la différence des propriétés morales, ne nous donnent pas de raisons catégoriques et non conventionnelles d'agir. [...]
[...] La théorie expressiviste rencontre ses limites face au problème Frege-Geach, qui souligne que le refus des expressivistes à reconnaître un énoncé moral en termes de véracité ou d'inexactitude les empêche de mener un raisonnement moral. Est-ce vraiment parler de morale que de parler de sentiments ? Peut-on, pour savoir si une chose est acceptable, se fier à ce que l'on ressent à son égard ? Il semblerait que ce soit une proposition trop faible pour qualifier pleinement l'éthique. L'expressivisme ne peut donc être une théorie valable en ce qui concerne l'évaluation des faits moraux : pour autant, ne peut-on trouver une façon de définir la morale en termes de subjectivité ? [...]
[...] Et surtout, qu'en est-il s'il n'y a pas de Dieu ? Il semble trop aisé d'expliquer un concept aussi complexe et multiple que la morale par la volonté divine d'une entité transcendantale, et une telle conception ne s'inscrit plus dans la philosophie, mais bien dans le refus de penser par soi-même en postulant l'existence d'une conscience supérieure à l'homme, et qui, par conséquent, aurait valeur de vérité absolue indiscutable. Or, toute l'essence de la philosophie n'est-elle pas précisément de développer la pensée critique par la discussion, et de fuir à tout point la « dictature du On » évoquée par Heidegger ? [...]
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