L'idée qu'il puisse exister un savoir des limites de la conscience semble immédiatement paradoxale. En effet, il faut admettre que l'on sait la conscience, puisqu'elle est l'état dans lequel nous pensons et vivons, mais au-delà de la conscience, de telles certitudes ne peuvent être développées. On parle alors d'inconscient. Or, par définition, on ne peut rien savoir de l'inconscient puisque le propre de celui-ci est justement de ne pas être conscient, de ne pas apparaître à la conscience. Ainsi, lorsque l'on est inconscient, on ne maîtrise pas, de même que l'on ne se souvient pas. C'est le cas de la perte de conscience : lorsqu'une personne s'évanouit, elle est incapable d'expliquer et de se souvenir de ce qui s'est produit à son réveil. Aussi peut-on affirmer que l'on ne peut rien savoir des limites de la conscience. Cependant, il faut reconnaître que l'on connaît l'existence de l'inconscient : on sait qu'il existe quelque chose autre que la conscience ; celui qui s'est évanoui est conscient de s'être évanoui et le sait, de même que les témoins de l'évanouissement ont pu constater la perte de conscience. Ainsi, l'idée que l'on ne peut rien savoir des limites de la conscience est une véritable illusion puisque l'on admet qu'il existe quelque chose hors de la conscience : un inconscient. Car si l'on admet que l'on ne peut rien savoir des limites de la conscience, comment expliquer que l'on puisse avoir la notion d'inconscient ? Comment expliquer les pertes de conscience ou bien les prises de conscience ? Comment comprendre que l'on puisse être jeté hors d'un état conscient vers un état où la pensée semble s'effacer, et réciproquement ? Il faut donc admettre que la conscience a des limites et qu'une connaissance de ces limites apparaît possible. Ainsi, que peut-on connaître des limites de la conscience ? Qu'y a-t-il hors de la conscience ? Comment connaître les dehors de la conscience ? À quelles conditions ? Et peut-on en savoir quelque chose ?
[...] En effet, puisque la pensée ne se limite pas à la conscience, qu'y a-t-il au-delà de la conscience ? Qu'y a-t-il en deçà ? Notons d'abord qu'il existe une pluralité hiérarchique de la pensée que Félix Ravaisson classe en trois parties dans son traité De l'habitude. Il y a d'abord la conscience, région de contrariété, qui maintient l'être dans une tension perpétuelle, partagé entre la distinction essence/existence et le désir de plénitude de l'être. La conscience est donc le lieu de scission de la séparation de l'être, le degré de pensée qui fait le lien entre les dehors de la conscience à savoir l'esprit au-delà et la nature en deçà. [...]
[...] Or, que se passe-t-il lorsque la conscience s'efface ? Que se passe-t- il lorsque la pensée s'étend au-delà ou en deçà du degré de conscience ? Ainsi l'habitude s'étend-elle à la fois en deçà de la conscience, puisqu'elle relève de la mécanique, mais aussi au-delà de la conscience puisqu'elle relève également de l'intelligence. L'habitude est donc une première forme d'inconscient. C'est le cas de l'écriture, par exemple. Une fois habitués, nous ne prenons plus le temps de réfléchir à la formation des lettres ; tout se fait naturellement, comme si c'était inné, et pourtant, l'écriture appelle au travail de l'esprit, à l'intelligence, à l'apprentissage antérieur. [...]
[...] Mais comment connaître l'inconscient ? Par quelle méthode ? Car il faut rappeler que la conscience se sent expirer par la volonté puis revivre avec elle (F.Ravaisson, De l'habitude). Par conséquent, l'inconscient relève de l'involontaire. Or s'il relève de l'involontaire, comment peut-on le connaître vraiment ? Comment peut-on désirer savoir l'inconscient ? De même que la conscience est volontaire, elle est aussi personnalité. Sortir de la conscience signifie donc sortir de la personnalité. Ainsi, pour connaître l'inconscient, il faut sortir de la personnalité. [...]
[...] Aussi, comment connaître l'inconscient ? A quelles conditions ? Que peut-on en savoir ? Pour Leibniz, tout ce qui est inconscient vient de nous, d'où la notion d'idées innées et de réminiscence. Empruntée à Platon, cette thèse affirme que l'âme a déjà vu les Idées, mais qu'elle les a oubliées en tant que telles. Ainsi, le sentiment de l'amour serait une réminiscence de l'idée du Beau. Chez Leibniz, il y a l'idée que tout est déjà présent en nous mais que nous n'en avons pas conscience. [...]
[...] Ainsi, que peut-on connaître des limites de la conscience ? Qu'y a-t-il hors de la conscience ? Comment connaître les dehors de la conscience ? À quelles conditions ? Et peut-on en savoir quelque chose ? Avant de chercher les limites de la conscience, il faut d'abord revenir sur cette notion : qu'est-ce que la conscience ? Que signifie être conscient ? Qu'est-ce que cela implique ? Car si la conscience contient notre désir d'être pleinement, elle n'en est pas moins une séparation. [...]
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