Dissertation de Philosophie sur les notions de "croyance" et de "savoir". Quelle sorte de lien y a-t-il entre "croire" et "savoir" ? Les deux notions s'excluent-elles mutuellement ? Ou bien ces deux modalités de l'esprit se complètent-elles ? Ne peut-on pas s'affranchir de la dualité proposée ?
[...] Croire ou savoir, faut-il choisir ? A l'initiale de notre réflexion, établissons quelques définitions des deux notions qui nous préoccupent. Croire c'est d'abord, au sens faible et large, avoir une opinion, c'est-à-dire émettre un assentiment imparfait, qui, comme l'opinion, comporte tous les degrés de probabilités par exemple : je crois que Louise est dans sa chambre (dirait-on). Au sens étroit, finalement religieux du mot, c'est faire crédit à, accorder sa confiance à, émettre un assentiment parfait au sens où le doute se trouve exclut, sans cependant que cet assentiment ait le caractère intellectuel et logiquement communicable du savoir je crois en la liberté de l'homme (dirait Kant). [...]
[...] * Plus précisément, quelles formes prend-elle cette part de croyance dans le savoir ? Croire prend donc la forme, dans le savoir, des axiomes indémontrables : c'est ce que signale Pascal, notamment dans la pensée 282 : Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances comme le prétendent les pyrrhoniens. [...]
[...] Quand la première branche de notre alternative risquerait de nous fourvoyer de nouveau dans les problèmes d'un dogmatisme irrationnel que l'on doit éviter, la seconde en revanche, derrière laquelle sont désignés les postulats de la raison pratique, confère à la croyance la légitimité : certes la métaphysique est impossible (c'est ce que démontre le criticisme kantien), car les noumènes ne sont pas susceptibles d'être connus du fait qu'il sont l'objet d'aucune expérience sensible ; mais la croyance en Dieu ne m'est pas interdite par la science, car si je ne peux connaître, je peux du moins penser l'existence de Dieu, la liberté de l'homme et l'immortalité de l'âme. Ainsi, le combat contre l'obscurantisme religieux que mène Kant dans un opuscule tel que Qu'est-ce que les lumières ? n'est pas mené absolument contre toute croyance, contre toute foi : croire en Dieu est possible, et même très légitime du point de vue de la moralité. [...]
[...] Aussi, par-delà le bien et le mal (le savoir et le croire en l'occurrence), les interrogations nietzschéennes trouvent-elles leur réponse : Rendre le monde calculable, exprimer en formules tout ce qui s'y passe, est-ce vraiment le ‘concevoir' ? Qu'aurait-on saisi de la musique une fois qu'on aurait calculé tout ce qui est calculable en elle et tout ce qui peut être abrégé en formules ? (La volonté de puissance). Actualiser tout à fait notre notion de jugement, ou l'assentio cartésien, s'est se proposer non seulement de manipuler les choses mais aussi de les habiter. [...]
[...] Mais il ne faut pas y voir un comble pour la raison : car une croyance irrationnelle n'est pas une croyance déraisonnable, et dans un cadre de vigilance permanente de la raison par rapport à ses propres démarches, dans le cadre de l'intersubjectivité qui assure aux productions de la raison leur validité universelle, cette foi en la raison ne compromet pas la procédure du savoir. De même, toute opinion, toute croyance à partir du moment où elle est 3 réfléchie, tolère la raison, et ne s'oppose pas à la vérité. C'est en un sens ce que nous signifie Pascal quand il cherche à arracher le cœur à la raison, et davantage encore ce que Kant a voulu montrer en distinguant deux intérêts de la raison, l'intérêt théorique et l'intérêt pratique. [...]
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