Lorsqu'il est question de sauver les phénomènes dans les sciences, il s'agit de poser des hypothèses, telles que les phénomènes observés en résulteraient. En d'autres termes, il s'agit de voir tout ce qui dans les processus réels peut devenir objet d'observation, matière à l'investigation scientifique et d'adjoindre à ces observations des hypothèses constituant un moyen commode d'expression, de prévision ou de calcul. Ainsi, les phénomènes peuvent être considérés comme le réel qui se donne à nous dans l'idée d'expérimentation, phénomènes qu'il est nécessaire de sauver (qui vient du grec sotzein signifiant préserver, respecter) c'est à dire que l'on doit lier à une contrainte que l'on impose aux énoncés scientifiques : cette contrainte fondamentale et unique est qu'ils ne peuvent pas dire le contraire de ce que sont les phénomènes. La totalité des énoncés doit former une théorie cohérente sans se contredire et en respectant les apparences.
Se pose alors le problème de l'antériorité, à savoir est ce que c'est après les considérations des phénomènes et à partir des données sensibles que la science élabore ses procédures et ses théories qui déterminent une manière de comprendre les phénomènes, une manière de les préserver ou est ce que la science a là un critère simplement nécessaire mais non suffisant. Si on considère que sauver les phénomènes, c'est tout l'objet de la science, la science revêt une coloration empiriste car elle reçoit des données et a pour charge d'établir des liaisons, de poser des lois uniquement pour préserver les données. En d'autres termes, il s'agit de voir s'il n'est pas limitatif de réduire la pratique scientifique à cette pratique de sauver les phénomènes, en étudiant tout d'abord quelles sont les conditions concrètes par lesquelles les scientifiques sauvent les phénomènes. Puis nous verrons que sauver les phénomènes ne permet pas de rendre compte intégralement de ce qu'est la science, toute expérience sur la science n'étant véritablement instructive qu'en étant déjà informée des théories scientifiques déjà existantes. Enfin, nous constaterons qu'il existe une véritable tension entre un paradigme et la perception des phénomènes et que cette circularité constitue la nature même de la science.
[...] Conclusion A l'issue de cette analyse, nous devons convenir que sauver les phénomènes est une exigence scientifique mais qui ne permet pas de rendre compte intégralement de ce qu'est la science positivement. Il s'agit d'inscrire l'expérimentation au centre du processus scientifique, dans une exigence de rationalisation du monde qui nous entoure, comme si notre pensée devait se retrouver dans les processus naturels. Pourtant, l'audace de l'hypothèse caractérise aussi bien la science que sauver les phénomènes et, comme l'indique Lecourt dans son article science et culture l'on peut se demander si finalement l'essence profonde de la pratique scientifique ne serait pas cette faculté profonde d'imagination, d'invention des hypothèses correspondant à des phénomènes observés, davantage que l'exigence première et nécessaire de sauver les phénomènes. [...]
[...] II Sauver les phénomènes ne rend pas compte intégralement de ce qu'est la science Il est évident que nous ne pouvons a priori avoir aucune confiance en l'instruction que le donné immédiat prétend fournir. Les rationalistes, eux, considèrent que la raison est un pouvoir qui peut produire par soi- même des connaissances positives On peut ainsi changer de paradigme pour la science en soutenant que la théorie précède les phénomènes. En effet, on peut penser que la science ne peut se développer comme activité que si elle fait fond sur des réussites scientifiques communes à la totalité des savants, sur des modèles reconnus, et qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une théorie générale, comme la théorie de Newton ou encore le relativisme d'Einstein. [...]
[...] On doit voir le monde non pas de façon neutre mais à travers des concepts. Il ne doit pas y avoir de faits bruts, qui ne soient emprunts de théorie. Ce qui revient à détruire le " mythe " du savant complètement objectif, qui recopierait presque, quand il expérimente, la réalité telle qu'elle est " en soi L'expérience scientifique, qui nous intéresse ici plus particulièrement, n'est pas objective au sens où elle se garderait de projeter des savoirs a priori sur l'expérience : dans le laboratoire, les opérations et les mesures sont déterminées par le paradigme. [...]
[...] Il ne faut pas se fier aveuglément aux sens. Il y a en effet pour les énoncés scientifiques une contrainte fondamentale : la totalité des énoncés doit former une théorie cohérente, par conséquent ceux-ci ne doivent pas se contredire entre eux. On voit bien qu'un objet grandit lorsqu'il s'approche de nous, et qu'au contraire il devient plus petit en s'éloignant, la taille apparente d'un objet étant bien évidemment fonction de sa distance à la pupille. Ainsi, lorsqu'on dit sauver les phénomènes, le pluriel est très important, il s'agit de les préserver tous, de relier tous les phénomènes, de les coordonner selon des lois si l'on veut éviter de grossières contradictions. [...]
[...] La totalité des énoncés doit former une théorie cohérente sans se contredire et en respectant les apparences. Se pose alors le problème de l'antériorité, à savoir est ce que c'est après les considérations des phénomènes et à partir des données sensibles que la science élabore ses procédures et ses théories qui déterminent une manière de comprendre les phénomènes, une manière de les préserver ou est ce que la science a là un critère simplement nécessaire mais non suffisant. Si on considère que sauver les phénomènes, c'est tout l'objet de la science, la science revêt une coloration empiriste car elle reçoit des données et a pour charge d'établir des liaisons, de poser des lois uniquement pour préserver les données. [...]
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