Sartre fait partie de ces philosophes contemporains pour qui le retour au cogito s'est imposé comme une urgence : l'enjeu de notre liberté personnelle.
Mais la démarche de Sartre s'éloigne ici de la démarche cartésienne dans la mesure où il accorde une place privilégiée à l'existence d'autrui dans la prise de conscience de soi.
Cet écrit, effectué à la première personne, nous parle bien du témoignage de notre conscience propre, c'est par ma conscience que je me révèle à moi-même dans une indiscutable présence à moi, mais certaines expériences particulières, par exemple la « honte », attestent spontanément de la présence d'autrui à ma conscience. Le sujet découvre les autres « comme la condition de son existence » (...)
[...] Tant que je me contente de vivre ce geste, seul à seul avec moi-même, celui-ci «colle à moi je ne le juge pas. C'est l'irruption d'autrui dans le champ de mon vécu qui change la signification de mes gestes. C'est le même geste dans sa réalité mais sa signification a changé. Je le réalise (d'abord) sur le mode du pour-soi». Et maintenant réalise tout à coup toute la vulgarité». Réaliser a un double sens à la fois physique et cognitif, inscrire dans la réalité et comprendre. Faut-il dire que j'ai réfléchi à mon geste? [...]
[...] Dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne Sartre semble penser la réflexion selon le modèle cartésien, la réflexion chez Descartes repose sur un doute volontaire et méthodique, elle suppose ma liberté de penser; or ici nous éprouvons que l'image que les autres ont de nous ne dépend pas de nous. Le jugement d'autrui est pour moi imprévisible. Il existe une intuition immédiate d'autrui comme il existe une intuition immédiate de soi. La timidité et la honte sont des émotions que je ne maîtrise pas. La honte est intentionnelle mais elle n'est pas volontaire. Dans le feu de l'action je ne puis me juger moi-même, c'est autrui «qui est le médiateur entre moi et moi-même». [...]
[...] Sartre montre que ce n'est pas de mon propre mouvement que je suis passé de la spontanéité à la réflexion. Autrui n'a pas joué le rôle de «catalyseur» dans la prise de conscience de moi. En chimie le catalyseur est ce qui accélère la réaction. La honte n'était pas un sentiment latent en moi qui n'attendait que le regard de l'autre pour se manifester. La honte est un sentiment tout aussi spontané qu'inattendu. La honte n'est pas une donnée de l'introspection, elle naît de mon rapport à l'autre dans ma relation au monde. [...]
[...] Autrui n'est pas, comme dans la deuxième Méditation de Descartes, cet autre homme que je déduis de ma réflexion. Pour Descartes juge» qu'autrui est un homme alors que je ne vois de ma fenêtre que des chapeaux et des manteaux. Autrui n'est pas non plus un objet. Je ne suis pas dans une situation d'extériorité face à lui. Autrui est cet autre sujet qui n'est pas moi et me juge à partir de sa propre conscience. Mon geste jusqu'ici sans qualité est désormais qualifié. [...]
[...] Je suis constitué sur un mode passif par un être qui n'est pas moi. III) Perspective ontologique Ce n'est pas seulement la conscience que j'ai de moi-même qui est ainsi modifiée mais mon être même. Autrui m'a constitué sur un mode d'être nouveau. Sartre montre que je ne puis ni m'identifier complètement, ni être totalement indifférent au jugement d'autrui. Je ne peux pas adopter absolument le point de vue de l'autre ce serait nier ma propre subjectivité. [...]
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