La santé a remplacé le salut, Georges Canguilhem, citation, progrès scientifiques, sociétés occidentales, classes sociales, religiosité, espérance de vie, inégalités mondiales
"La santé a remplacé le salut". Par ces mots, tirés de l'ouvrage "Le normal et le pathologique", G. Canguilhem nous place d'emblée face à un constat : le monde dans lequel nous évoluons a évolué et s'est transformé. Il serait aisé de dire qu'il a évolué dans le bon sens, la médecine étant aujourd'hui capable de prouesses techniques impensables il y a de ça quelques années, et les besoins fondamentaux des personnes, qu'ils soient physiologiques, psychologiques ou même sécuritaires, étant plus que jamais assurés.
[...] Partout dans le monde, et même encore en Occident, il existe des populations pour lesquelles la santé n'a en aucun cas remplacé le salut, qui fait encore partie intégrante du but de leur vie : trouver le salut. Que ce but soit dû à une incapacité à se faire soigner à cause d'un manque de moyens (ce qui nous pousse à nous retourner vers l'espérance en une vie meilleure que nous offre le salut), ou à des convictions religieuses propres à sa culture, le salut joue encore aujourd'hui un rôle primordial dans ce que certains individus considèrent être le but de qualité de leur vie : chacun a sa propre vision de ce qu'est la santé et le salut. [...]
[...] Quant au salut, ses définitions varient en fonction de la dimension qu'on donne à ce mot. Dans sa dimension religieuse, c'est une notion spirituelle qui désigne le fait d'être sauvé du péché, de la damnation et du Mal. Dans sa dimension terrestre, humaine, le salut est le fait d'échapper à la mort ou à un danger, de recouvrer un état heureux. Quand G. Canguilhem nous parle de la disparition du salut, il parle donc du déclin progressif du religieux et spirituel dans nos sociétés, de la croyance en une force supérieure pour s'assurer des lendemains meilleurs, mais aussi de l'amélioration des conditions de vie humaines, l'Homme ne cherchant plus à échapper à la mort ou à un danger mais à se trouver dans un état de bien-être complet. [...]
[...] Alors qu'au moyen-Âge, la santé se définissait comme étant la capacité à bien se tenir sur ses deux jambes, celle-ci a progressivement évolué jusqu'à devenir, au XVIIIe siècle, l'absence de maladie puis, dans le monde contemporain, selon la définition de l'OMS de 1978, « un état complet de bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité ». La santé ne saurait ainsi se résoudre à la dimension médicale, même si cette dernière est primordiale dans l'imaginaire collectif. La santé est ainsi progressivement passée d'une notion de « survie » à une notion de « vie », de « bien-vivre » et est presque aujourd'hui devenue synonyme de « qualité de vie ». [...]
[...] Foucault) - Mais les sentiments n'ont pas été les seuls facteurs ayant permis l'édification de la santé comme absolu : la santé personnelle de chacun dépend également de celle des autres, un environnement sain est nécessaire pour évoluer en bonne santé. ⇨ Campagne obligatoire de vaccination ⇨ Dès 1776, Louis XVI prend un Édit interdisant d'enterrer dans les églises et les chapelles pour éviter une pandémie - Ainsi le droit, notamment pour l'intérêt général et pour assurer la santé et une bonne qualité de vie à chacun (au détriment d'assurer le salut), a juridiquement parlant évolué dans le sens de la santé : ⇨ On parle aujourd'hui de droit à l'être (c'est-à-dire d'être guéri et pas seulement soigné, : l'Etat doit prendre en charge les nécessitants) ⇨ De droit à la sécurité (Pour être en bonne santé, il faut ne pas risquer de la perdre ; obligation dans la loi d'avoir une assurance, Sécurité Sociale en France) ⇨ Droit à avoir une vie familiale stable, à avoir un enfant (participe à la santé de l'individu) Mais le monde ne saurait se résumer à la situation des pays occidentaux et occidentalisés. [...]
[...] En effet, il est indéniable que la santé a remplacé le salut dans une grande partie des foyers de l'hémisphère nord, que ce soit grâce aux progrès scientifiques (de meilleurs moyens pour soigner les malades, une meilleure connaissance de notre environnement), aux évolutions sociétales (l'avènement de la santé comme valeur suprême) ou aux modifications en profondeur des normes juridiques en faveur de la santé (lois, politiques publiques favorisant la santé). Cet avènement a inévitablement conduit le salut, qui servait avant notre époque à panser une forme de fatalité face à des maladies dont on ne connaissait pas le remède, à peu à peu disparaître au profit de la santé, qui s'est muée en valeur absolue. Mais cette observation n'est que partielle. [...]
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