Commentaire d'un texte de Rousseau, extrait de Julie ou la Nouvelle Héloïse, 6ème partie, lettre VIII de Mme de Wolmar à Saint Preux.
[...] On comprend alors pourquoi celui qui possède est déposséder. Il n'a plus accès à ce monde plaisant qui est celui que l'imagination rend possible et que le désir suscite du fait même du manque qui constitue l'être humain. C'est ^ l'intérieur même du désir que se trouve le bonheur et cela tient à la nature de l'homme et à ce qu'est la réalité : quelque chose de nécessairement décevant par rapport au caractère sublime du pays des chimères. [...]
[...] En effet, l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède L'imagination est stérilisée devant le réel et celui qui possède se voit privé de cette liberté que l'imagination lui procurait. C'est donc pourquoi l'illusion cesse où commence la jouissance La possession qui est jouissance réelle et effective n'est plus plaisante parce posséder c'est ne plus pouvoir profiter du bonheur lié au désir et à toute cette beauté qu'il rendait possible et que la réalité vient ternir et même souiller. [...]
[...] On peut grâce à l'imagination qui est mise en œuvre dans et par le désir, manipuler l'objet et le doter de qualités qui nous font éprouver un réel bonheur qui est une délectation. C'est ainsi que cette capacité de l'homme à désirer et à imaginer l'objet de son désir opère un rapprochement encore plus effectif. En effet l'imagination lui rend [l'objet] présent et sensible, le lui livre en quelque sorte L'absence de l'objet désiré n'est donc plus une vraie absence du fait de l'activité de l'imagination qui est une faculté très productive. [...]
[...] Notre imagination entre alors en jeu et nous dépeint l'objet de notre désir comme bon nous semble. Il y aurait donc une jouissance inhérente au désir qui en ferait un moment plaisant et même heureux. En effet, pendant que l'on désire on peut imaginer ce que l'on veut, ce qui n'est plus permis quand on entre en possession de l'objet désiré. Ainsi le bonheur ne se situerait pas dans la possession mais dans l'attente de celle- ci. On peut alors s'interroger sur la relation entre le désir, ordinairement pensé comme douloureux, et le bonheur. [...]
[...] De plus, cette capacité de l'homme à désirer lui permet une forme de maîtrise de l'objet désiré dans la mesure où elle le soumet à son imagination y a un espace de liberté qui s'ouvre à l'homme qui désire et qui lui permet de se figurer comme il le veut cet objet qu'il n'a pas. Non seulement l'objet se rapproche mais en plus il est comme celui qui désire le veut. En effet dans le désir on peut doter l'objet de qualités qui le rendent encore plus désirable ce qui fait que le désir se nourrit de lui-même et qu'il se renouvelle et se régénère sans cesse. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture