L'homme est faible et perfectible de nature, c'en cela qu'il est justement humain, et non divin. Cette faiblesse comporte différents aspects, relevant à la fois du domaine physique, l'homme est en effet impuissant devant la nature, et du domaine psychologique. Mais s'il est faible, l'homme est aussi et surtout sociable, et ce depuis les premiers temps. Ces deux caractéristiques fondamentales sont-elles réellement liées ? C'est en tous cas ce qu'affirme Rousseau, pour qui « c'est la faiblesse de l'homme qui le rend sociable ». Nous verrons alors que dans un premier temps, cette formule est juste, dans la mesure où la vie en société constitue un refuge pour l'homme, mais que ce n'est pas être faible, loin s'en faut, que de vouloir vivre avec les autres, et que la philosophie et la science notamment permettent à l'homme de combattre sa faiblesse intrinsèque par la raison, l'amenant de fait à choisir la vie en société [...]
[...] L'Allégorie de la caverne de Platon illustre bien ce phénomène : pour se sortir du monde des apparences, l'homme doit suivre un chemin escarpé et difficile, mais quand il parvient à atteindre le monde des idées, la sagesse selon Platon, c'est-à-dire qu'il s'est affranchi de sa faiblesse initiale, loin de s'enfuir, comme la formule de Rousseau pourrait le laisser supposer, il redescend au fond de la caverne pour en tirer ses semblables, agissant en cela de manière courageuse et absolument pas faible. Ici encore, ce n'est pas la faiblesse qui rend sociable, mais une volonté réfléchie d'aide et de partage. La vrai sagesse, c'est-à-dire la vraie force, consiste selon les philosophes à savoir accepter sa faiblesse, ce qui fit prononcer à Socrate son célèbre en oida, ouden oida (je ne sais qu'une chose : c'est que je ne sais rien). Ne plus être faible, c'est donc se remettre en question, réfléchir et douter. La raison aide à combattre la faiblesse humaine. [...]
[...] Ainsi non seulement la faiblesse rend sociable, mais aussi et surtout elle rend humain. Cependant, est-il justifié d'affirmer que la vie en société n'est qu'une solution de compensation et pleine de compromis dictée par la faiblesse humaine ? Même si, comme nous l'avons vu, les hommes ont d'abord été amenés à se rassembler, contraints et forcés, pour leur survie (position qui est moins vraie aujourd'hui), c'est loin d'être la seule raison valable : en effet, la vie en société est enrichissante, intéressante et pleine d'apports. [...]
[...] Les personnes ayant d'ailleurs une opinion trop haute d'elles-mêmes sont en général très peu sociables et plutôt individualistes. La faiblesse est donc constitutive de la société humaine ; elle est inhérente à cette société, à tel point qu'elle est toujours défendue, par la morale ou par la religion (que Nietzsche accuse du reste d'être un moyen pour les faibles de se protéger des forts Mais la faiblesse de l'homme ne s'arrête pas à l'aspect physique et à la peur de l' inconnu : celui-ci éprouve en effet un fort besoin de reconnaissance, plus fort encore que son besoin de puissance, comme s'attache à le montrer Hegel dans sa Dialectique du maître et de l'esclave. [...]
[...] Finalement, accepter les compromis de la vie en société est bien raisonnable. Et faire preuve de raison, c'est être sage, en somme tout sauf être faible. Vivre en société est ainsi pour l'homme loin de se limiter à un processus destiné à le rassurer. Cela permet un important développement spirituel avec l'aide des autres, mais avant tout pour soi. Etre sociable permet donc de vivre, et si l'on en est conscient, il est tout à fait intelligent de choisir ce mode de vie. [...]
[...] En conclusion, et comme l'affirme Rousseau, c'est dans un premier temps sa faiblesse, responsable de son besoin de se rassurer et de se prémunir contre les dangers de la nature, qui pousse l'homme à adopter la vie en communauté. Mais parallèlement au développement de la pensée philosophique et scientifique, l'homme est de plus en plus amené à faire ce choix de manière raisonnable et rationnelle que sous la contrainte des lois naturelles. Ainsi, même si la formule de Rousseau est toujours valable aujourd'hui, elle semble quelque peu limitée, tant la vie en société apparaît garante de la pérennité de l'espèce humaine, avec notamment la philosophie et les sciences, et présente plus d'avantages que le simple fait de ne plus craindre la nature et ses éléments. [...]
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