Rousseau, Du Contrat Social, extrait du chapitre VIII : de l’état de nature à l’état civil

Résumé du document

On présente généralement Rousseau comme le philosophe des Lumières prônant le retour à un état primitif idéalisé. Or dans cet extrait centré sur la notion de nature, d'évolution, de liberté civile et de morale, Rousseau semble nuancer son propos en présentant une vision moins négative de la société et de son rôle dans l'évolution de l'homme. En effet, il étudie dans cet extrait les caractéristiques du passage de l'état de nature à l'état civil, notamment les progrès dans l'humanisation et la socialisation de l'être humain et rend à l'homme toute sa responsabilité dans son évolution. Cependant on peut se demander si, selon Rousseau, ce passage représente une continuité ou une coupure pour l'être humain ? Ou encore, si, devant de si grands bouleversements, on peut voir dans la loi un obstacle à notre liberté naturelle ?
Cette analyse de la transition entre nature et culture est effectuée par Rousseau en trois mouvements principaux.

Extraits

[...] Or le verbe arracher implique que l'individu a été sorti sans son consentement de l'état de nature dans lequel il se complaisait. Cela corrobore l'utilisation du participe passé forcé S'il est effectivement responsable de sa chute, il n'a pourtant jamais demandé à effectuer ce passage vers l'état civil L'utilisation de l'expression pour jamais apposée au verbe arracher montre ce changement est irréversible et que l'homme s'il ne change pas d'attitude et s'il ne mesure pas ses actes, va irrémédiablement vers sa chute et sa chute. [...]

[...] Or, à partir du moment où l'homme doit négocier avec d'autres hommes, où il doit nécessairement compter sur une tierce personne pour vivre et où les intermédiaires deviennent indispensables, même dans les actes les plus simples tels que se nourrir, se loger , il devient forcé de réfléchir, d'analyser les problèmes, d'exercer ses capacités. Mais plus le temps passe, plus sa raison, ses pensées, ses interrogations touchent des domaines de plus en plus variés et, de ce fait, se heurtent à des problèmes de plus en plus complexes pour lesquels il doit toujours inventer de nouvelles solutions. C'est pourquoi Rousseau écrit ses facultés s'exercent et se développent dans le commerce des hommes entre eux. [...]

[...] Or ces deux notions se rejoignent dans la proposition suivante puisqu'il écrit : son âme tout entière s'élève L'âme composée à la fois des idées, l'homme étant être de raison, et des sentiments puisqu'il est aussi être de cœur, effectue donc un fort mouvement ascendant, ce qui est caractéristique de la période des Lumières dans laquelle vit Rousseau. Symboliquement, l'être humain semble donc sortir des ténèbres du monde bestial dans lequel il évoluait. L'homme paraissait tenir à la nature comme à un sol, dès lors il s'en détache progressivement et opère une élévation des plus spirituelles. [...]

[...] C'est d'ailleurs uniquement après avoir effectué ce changement fondamental que l'homme change bien sûr son comportement mais également sa nature profonde. En effet l'homme de la nature qui n'avait jusqu'à là regardé que lui-même puisque seul lui importait sa survie et son bien- être, doit maintenant consulter sa raison avant d'écouter ses penchants La nuance entre le verbe consulter et écouter reprend l'idée déjà évoquée : celle de l'apparition d'une parole commune, mise en place selon la volonté générale. En effet l'utilisation de consulter implique que l'homme réfléchit et examine les aspects négatifs et positifs des actions qu'il va commettre, prend conscience de leurs conséquences et agit ensuite comme il l'entend mais en toute connaissance de cause. [...]

[...] Dans cet extrait, tous les arguments s'enchaînent donc comme s'il y avait un avant et un après l ‘état primitif. Avant cet état, l'auteur parle de la prédominance de l'instinct dans la conduite de l'homme, après il évoque la présence de la justice qui implique de mesurer le pour et le contre de nos actes selon des principes prédéfinis et identiques pour tous. De plus Rousseau précise bien que l'homme a substitué son instinct à la justice et non pas qu'il a associé la justice à l'instinct qu'il possédait déjà. [...]