Dans son Testament Politique, écrit au XVIIème siècle, le prélat et homme d'État français Richelieu déclare : « Qui a la force a souvent la raison en matière d'État ; et celui qui est faible peut difficilement s'exempter d'avoir tort au jugement de la plus grande partie du monde ». Il lance alors une première définition de la notion de « droit du plus fort ». Celle-ci est reprise un siècle plus tard par le philosophe français Jean-Jacques Rousseau. Dans le chapitre III du Contrat social, Rousseau entend définir et démontrer l'absurdité du droit du plus fort.
Il rappelle à son lecteur qu'il est bien difficile de concilier la notion de droit (qui renvoie à la légitimité) et celle de force (qui dépasse les lois sans en tenir compte). En se demandant quelles en sont les racines, et les différents aspects, l'auteur veut montrer en quoi cette formule est contradictoire. Quelles sont les « racines » du concept de droit du plus fort ? Pourquoi l'usage de ce « prétendu droit » est-il courant dans la société (ancienne et moderne) ? Pourquoi les notions de droit et de force s'opposent-elles ? (...)
[...] Sans établir un droit du plus fort celui qui détient la force ne peut le rester durablement. C'est pourquoi, comme le dit Pascal, celui qui ne peut rendre le juste fort cherche à rendre le fort juste Rousseau appelle son lecteur à tenter de se représenter ce que pourrait être véritablement le droit du plus fort : Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inexplicable ; car, sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause : toute force qui surmonte la première succède à son droit. [...]
[...] Ainsi, si la force contraint, le droit oblige. Nous sommes contraints de céder notre bourse à un brigand, mais nous en sommes pas obligés moralement. Ainsi, la force est illégitime, elle ne peut constituer un droit réel, ni la source d'un droit, quel qu'en soit sa nature. En conclusion, pour justifier l'usage de la force et donc de la contrainte, le plus fort transforme sa force en droit pour l'imposer en tant que devoir, et arrive ainsi à assujettir son entourage. [...]
[...] Si la force contraint, le droit oblige. Nous sommes contraints de céder notre bourse à un brigand, mais nous en sommes pas obligés moralement. La force n'est pas en mesure d'engendrer le droit puisque la violence qui en résulte ne peut ni créer de moralité, ni faire l'objet d'un devoir. La puissance du plus fort est éphémère tout comme celle du droit qui lui est rattaché : L'effet change avec la cause, c'est-à-dire que si la force est remise en cause, ou menacée, le droit périt avec celle-ci. [...]
[...] De fait, la force est un acte de nécessité, non de volonté On est obligé de respecter notre devoir, c'est-à-dire, de respecter les droits des autres ; alors que l'on est contraint de céder à la force. De ces deux notions contraires, seul le droit est en mesure de construire des rapports moraux entre les hommes. Or, si la force n'a aucune moralité ; en quel sens pourra-ce être un devoir ? se demande Rousseau. Rappelons tout d'abord que nous sommes en 1762, soit seulement 47 ans après le règne absolu de Louis XIV. On peut donc voir en ces mots une certaine critique de la monarchie absolue. [...]
[...] Convenons donc conclue Rousseau, que force ne fait pas droit, et qu'on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes. L'auteur résume son raisonnement et sa thèse en cette simple phrase, devenue si célèbre depuis. La force n'est pas un droit, et ne constitue en aucun cas la source d'un droit. Le philosophe Alain (Émile-Auguste Chartier), quant à lui, prend l'exemple d'un homme qui porte une montre à son poignet. La montre est à son poignet, c'est un fait, et pourtant, rien ne m'indique d'il en est le possesseur, que c'est son droit de la porter ainsi. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture