Le texte traite de l'aptitude à penser par soi-même. Rousseau soutient qu'il est nécessaire, pour acquérir cette faculté, de commencer par suivre pas à pas la pensée des auteurs. L'homme qui suit la pensée d'un autre pense comme lui et donc ne développe pas sa propre pensée. Il semble en ce sens que penser par soi-même suppose d'être indépendant, c'est-à-dire de penser sans se référer à qui que ce soit (...)
[...] ) de m'instruire", Rousseau présente la méthode qu'il a adoptée: suivre les auteurs sans chercher, en aucune manière, dans un premier temps, à les juger. Dans la dernière partie, les vertus de cette méthode apparaissent : elle permet de penser par soi-même. Echec de la tentative d'accorder les auteurs Rousseau nous fait part de son expérience de lecteur, dans le domaine de la philosophie. Ce qui frappe immédiatement à la lecture des philosophes est la contradiction dans laquelle ils se trouvent. [...]
[...] Mettre en question sa vérité suppose d'avoir compris ce par quoi il participe du vrai. Il faut donc d'abord se confronter à lui sans l'affronter et l'envisager pour lui-même, indépendamment de ses propres positions et de celles des autres auteurs. Le changement d'attitude en lequel consiste la méthode de Rousseau peut sembler anodin: lire les auteurs en rapportant ce qu'ils disent à ses propres positions et à celles des autres auteurs dans un premier temps, les lire sans rien faire intervenir qui ne soit pas dans le texte d'autre part. [...]
[...] Dans le dialogue, pour autant que l'on soit en quête de la vérité, et non à chercher à savoir lequel a raison. Ce qui est présupposé c'est que chacun a part au vrai ou encore que la recherche en commun a plus de valeur que la pensée d'un seul. Les auteurs sont considérés par Rousseau comme présentant les uns et les autres un intérêt. Les accorder ne consiste pas à les faire s'affronter de telle sorte que chaque rapprochement soit l'occasion d'en éliminer un, jusqu'à n'en retenir qu'un seul. [...]
[...] C'est pourquoi Rousseau tempère son affirmation avec "pour ainsi dire". L'idée est ici de s'en remettre entièrement à l'auteur et de ne rien ajouter de soi. Mais suivre un raisonnement est bien un acte de la pensée, c'est par l'exercice d'une pensée qui m'est propre qu'il m'est possible de suivre la pensée d'un autre. La lecture et surtout la compréhension d'un auteur n'est pas un acte auquel ma pensée reste extérieure. Elle ne cesse de s'exercer et de se former au contact de la pensée d'un autre. [...]
[...] On comprend que Rousseau puisse écrire: "pour avoir commencé tard à mettre en exercice ma faculté judiciaire, je n'ai pas trouvé qu'elle eut perdu de sa vigueur". Le jugement s'exerce dans la confrontation avec la pensée d'autrui, que l'on suive cette pensée ou que l'on s'y oppose. Car suivre la pensée d'un autre c'est donner son assentiment aux propositions qu'il énonce, aux raisonnements qu'il construit, c'est penser. Aussi lorsque Rousseau écrit "je me suis trouvé un assez grand fond d'acquis pour me suffire à moi- même.”, il est possible d'entendre "acquis" en deux sens distincts: le plus immédiat est celui des connaissances reçues de l'extérieur, mais plus décisif est l'acquis qui procède de l'exercice de ses facultés. [...]
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