Se questionner sur la place et le rôle du maître dans le processus d'apprentissage, c'est évoquer un peu vite la question fondamentale : faut-il un maître ? Cela oblige à interroger ce qui peut être une évidence : savoir que la notion de maître fasse couple avec celle d'éducation, ainsi part d'institution sans instituer au sens fort de fonder (instituer). D'autant plus qu'aujourd'hui se développe cette tendance à vouloir substituer à l'instituer un s'éduquer soi-même, cette forme pronominale visant à faire disparaître les figures du maître.
Kant, pourtant énonçait : « L'homme est un animal qui a besoin de maître ». D'où le questionnement pourquoi faut-il un maître ? (...)
[...] Kant avait parfaitement repéré que : «l'homme (contrairement à l'animal) n'a pas d'instinct : il faut qu'il se fasse à lui-même son plan de conduite». L'homme est un néotène, sa nature est inachevée. Il ne peut donc s'accomplir de par sa propre nature, il doit en sortir pour se réaliser. En tant qu'être inachevé, il dépend d'un autre être susceptible de remédier à cet inachèvement. Apprendre c'est la rencontre avec quelqu'un qui n'est pas soi, c'est la rencontre avec autrui, un maître d'apprentissage. [...]
[...] La fin normale de la raison pédagogique c'est d'apprendre à l'ignorant ce qu'il ne sait pas, de supprimer la distance de l'ignorant au savoir. C'est pourquoi J. Rancière s'indigne de la maïeutique, de ce maître qui feint l'ignorance pour provoquer le savoir. Selon Socrate «C'est le secret des bons maîtres : par leurs questions, ils guident discrètement l'intelligence des l'élève assez discrètement pour la faire travailler, mais pas au point de l'abandonner à elle-même». (P.51) Là est confié à l'intelligence du maître le soin de combler la distance séparant l'ignorant du savoir De plus, dans le système d'enseignement, un des moyens de la raison pédagogique très utilisé est celui de l'explication. [...]
[...] Il fut étonné de voir comment ses étudiants auxquels il n'avait transmis aucun savoir avaient, sous son ordre, appris assez de Français pour s'exprimer très correctement. Il s'étonnait de la façon dont il avait enseigné sans avoir rien à leur apprendre ! Il en conclut que l'acte du maître est d'obliger une autre intelligence à s'exercer. Cet acte ainsi posé ne nécessite pas le fait d'être en possession du savoir pour permettre à l'autre de le construire. Il serait donc possible qu'un ignorant permette à un autre ignorant de savoir ce qu'il ne sait pas lui-même. Le maître ignorant c'est un maître qui enseigne. [...]
[...] C'est permettre à l'apprenant d'être progressivement à «armes égales» avec le maître ; pas son adversaire, mais son partenaire, capable de mettre en jeu avec en face d'un «objet-tiers» (pour reprendre une expression de P. Meirieu) et d'engager un échange où 3 l'argumentation soit mis à l'épreuve d'un référent commun. Le pédagogue ne peut dicter au sujet apprenant la norme de son émancipation. Le maître ne peut que lui proposer de se reconnaître à travers ce qu'il lui dit et accepter son verdict. Le maître, le pédagogue apparaissent comme des passeurs. Ils transmettent un patrimoine constitutif de l'humanité. Ils permettent au sujet de s'inscrire dans une filiation. [...]
[...] En glissant sur un domaine un peu plus politique, en cette période de redéfinition du cadre de travail de l'Ecole, réduire la confrontation des sujets au socle commun n'est-ce pas renvoyer l'individu à lui-même, à ne plus faire le pari de tous capables. N'assigne t-on pas les individus à ce qu'ils sont ? Cela apparaît comme une manière d'empêcher l'individu de devenir sujet, de l'empêcher de comprendre. Si le pédagogue ne permet pas grâce à la confrontation le déplacement du je et du tu vers le tiers instruit, que devient le sujet ? [...]
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