L'écriture fait tellement corps avec notre civilisation qu'elle pourrait elle-même lui servir de définition. L'histoire de l'Humanité se divise en deux grandes époques : avant et après l'écriture. Nous vivons les siècles de la civilisation écrite ; toutes nos sociétés reposent sur l'écrit. La loi écrite s'est substituée à la loi orale, le contrat écrit a remplacé la convention verbale, la religion écrite a occulté la tradition légendaire. L'Histoire, surtout, n'existe qu'autant qu'elle est fondée sur des textes. Aujourd'hui, l'écriture latine constitue l'instrument définitif de la pensée occidentale et le moyen d'expression par excellence du monde moderne.
Pour qu'il y ait écriture, il faut d'abord un ensemble de signes qui possède un sens établi à l'avance par une communauté sociale et à son usage, et il faut ensuite que ces signes permettent « d'enregistrer et de reproduire une phrase parlée » (J. Février). De manière plus générale, on entend par écriture l'ensemble des procédés et des systèmes signifiants par lesquels les hommes ont transmis matériellement, à travers les âges, leurs paroles et leurs pensées. Cependant, face aux défaillances et aux déformations volontaires auxquelles est encline l'écriture, le discours oral a contribué au progrès de la connaissance et de la vérité dans l'invention du discours philosophique. Ecriture et oralité se sont mêlées et, par leur complémentarité dans la quête du vrai, elles ont déployé tous leurs atouts pour résorber tout artifice et occulter les manipulations opérées par les sophistes et autres rhéteurs. Le discours, dont la définition philosophique accentue le caractère fonctionnel de cette signification commune, en vient ainsi à déterminer le mode d'une connaissance au lieu d'atteindre directement son objet à l'intuition.
Dès lors, on peut se demander si l'écriture et l'oralité ont su compenser les faiblesses de chaque mode d'expression pour promouvoir l'amour de la sagesse aux dépens des « faiseurs de discours ». Par conséquent, quel rôle l'écriture et l'oralité ont-elles joué dans l'invention du discours philosophique ?
[...] L'oralité serait donc la fusion de l'écriture et du caractère oral propre au discours singulier d'un individu. Dès lors, il est nécessaire d'établir et de rassembler les points de convergences entre écriture et oral, deux notions unifiées dans le concept d'oralité. En effet, la conception bipartiste, presque dualiste, que l'on se fait du parlé et de l'écrit doit être abolie d'office. L'oral est souvent identifiée au parlé, pire au registre populaire. Le concept d'oralité, en confondant plusieurs registres, n'assimile pas l'oral au parlé syncopé, au langage populaire ; c'est en ce sens que l'oralité peut être considérée comme une lecture à la fois bourgeoise et populaire Toutefois, la syntaxe dégage un rythme, et le primat et la reconnaissance de ce rythme établissent une oralité spécifique, réductible ni au parlé, ni à l'écrit. [...]
[...] Mais Platon idéalise le discours écrit de celui qui n'écrit pas des choses inutiles il ne sèmera pas avec l'eau et la plume en des discours incapables de parler pour se défendre eux-mêmes, incapables même d'enseigner suffisamment la vérité En somme, l'écriture est la proie de critiques auxquelles elle ne peut faire face d'une part, et elle ne peut se substituer à son auteur pour projeter la lumière sur certaines explications, d'autre part. Malgré les problèmes contre lesquels l'écriture achoppe, le discours écrit n'en comporte pas moins plusieurs atouts. L'écriture constitue un véritable amas de souvenirs pour obvier aux manques de mémoire. La trace du passé, l'empreinte du savoir délégué aux générations prochaines établissent une accumulation des connaissances philosophiques. La filiation créée par l'écriture entre les hommes renvoie à la formation de nouveaux amoureux de la sagesse c'est-à-dire de nouveaux potentiels critiques. [...]
[...] Le rôle de l'écriture et de l'oralité dans l'invention du discours philosophique L'écriture fait tellement corps avec notre civilisation qu'elle pourrait elle-même lui servir de définition. L'histoire de l'Humanité se divise en deux grandes époques : avant et après l'écriture. Nous vivons les siècles de la civilisation écrite ; toutes nos sociétés reposent sur l'écrit. La loi écrite s'est substituée à la loi orale, le contrat écrit a remplacé la convention verbale, la religion écrite a occulté la tradition légendaire. [...]
[...] Cette volonté impose une variété, un pluralisme lexical réunissant aussi bien des notions archaïques que des créations néologiques à la pointe de l'originalité. Dans cette optique, l'oralité mêle les insertions polyphoniques de locuteurs autres que le narrateur principal aux déformations imitatives des mots selon la prononciation. A travers l'oralité s'enchevêtrent néologismes, mots-valises, onomatopées, scatologiques, la marque et l'empreinte des langues étrangères. Le mariage de tous ces mots permet dès lors de retranscrire la réalité à l'identique, de sacraliser la vérité. [...]
[...] In fine, prononcer ou écrire des discours, pour jouir d'une certaine crédibilité et d'un intérêt intellectuel, doivent être des tâches accordées aux non-ignorants aux philosophes immunisés contre l'obscurantisme ou le sensible s'il pense y avoir mis une grande solidité et une grande clarté, ses écrits ne rapporteront à leur auteur que la honte, car son ignorance absolue du juste et de l'injuste, du mal et du bien est une véritable honte à laquelle il ne peut échapper, fût-il couvert des applaudissements universels de la multitude Toutefois, celui qui pense qu'un discours écrit, quel qu'en soit le sujet, est nécessairement un badinage, ne mérite qu'on en fasse grand cas. La critique s'adresse également aux discours récités (les rhapsodes coudent et ajustent des chants) dont la vocation est uniquement de captiver les auditeurs sans les admettre à discuter ni les instruire. [...]
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