La mort de Socrate du peintre David montre Socrate buvant la cigüe car condamné pour "impiété". Il semble ainsi que dès ses débuts antiques, la philosophie a été érigée comme la rivale de la religion.
Pourtant, il faut souligner que toutes deux s'inscrivent dans des sphères distinctes : l'une est de l'ordre de la croyance quand l'autre s'inscrit dans le cercle du savoir, pour le dire en termes platoniciens. Il est ainsi inconvenant de dire que l'on sait que Dieu existe, au lieu que l'on croit.
Il demeure que la frontière entre ces deux sphères est poreuse, porosité dû principalement mais non exclusivement - aux objectifs mutuels que s'assignent religion et philosophie - et en filigrane croyance et savoir. Toutes deux visent à justifier le monde dans lequel l'homme se meut, interroge sa présence, son rôle et le sens de tout évènement.
On pourrait certes nous opposer que tout savoir est de l'ordre de la croyance au fond, mais il apparaît que quand la religion ne prétend mobiliser que la foi, la philosophie, elle, a la prétention de faire appel à la raison, et notamment à sa faculté logique.
Il apparaît que ces deux tentatives de justification, aux modes de fonctionnement différents, peuvent rentrer en collision et s'opposer, dessinant ainsi possiblement les contours d'une rivalité les désunissant.
De fait, la philosophie s'oppose-t-elle à la religion ? Les deux champs, philosophique et religieux, sont-ils exclusifs l'un de l'autre ou peuvent-ils coexister ?
Nous verrons d'abord que si philosophie et religion tendent à rivaliser l'une avec l'autre (I), il demeure qu'elles appartiennent à deux sphères différentes (II). Pourtant, il apparaît que, bien que se prétendant de sphères différentes, chacune vise non pas à rivaliser comme une égale avec l'autre mais à l'englober, ce qui semble révéler un perpétuel conflit feutré (III) (...)
[...] Quand Descartes de demande ce qui peut bien rester alors que Dieu n'est même plus sûr, il philosophe encore. Il ne catéchise plus en revanche. L'exemple du philosophe qui s'interroge sur la potentielle inexistence de Dieu, même sans but de réfuter toute croyance religieuse, est déjà dans une position anti-religieuse. Dieu se veut absolu et exige du croyant un dévouement identique. Ainsi, la philosophie propose une alternative potentielle aux codes introduits par le religion. Elle offre, ne serait-ce qu'en puissance, une alternative au dogmatisme religieux. [...]
[...] Elle s'accorde le primat sur la philosophie, et ne prétend pas coexister avec elle mais la supplanter. Elle lui est ontologiquement préséante. Ainsi, la Genèse -et en filigrane le monde- commence par l'intervention d'un Dieu créateur qui fait apparaît et construit tout, y compris la philosophie, qui est le produit de l'homme. De fait, la religion se prétend supérieure à la philosophie et ne prétend pas rivaliser, mais directement la supplanter. Et lorsque l'homme pèche, et qu'il goute de le fruit de la connaissance, qui peut symboliser la philosophie, il désobéit. [...]
[...] C'est ainsi par l'image de la mélodie que Bergson illustre la croyance en la religion. De la même façon que certains sont «sourds» (l'image est de Bergson) à une belle mélodie, certains demeurent sourds à la religion. On rencontre des athées comme l'on rencontre «des gens pour lesquels la musique n'est qu'un bruit» (in Les deux sources de la morale et de la religion). Dès lors, opposer religion et philosophie reviendrait à opposer par exemple untel qui n'aime pas le pensiero» de verdi (in Nabucco) et un autre qui y est sensible. [...]
[...] De fait, la philosophie s'oppose-t-elle à la religion? Les deux champs, philosophique et religieux, sont-ils exclusifs l'un de l'autre ou peuvent-ils coexister? Nous verrons d'abord que si philosophie et religion tendent à rivaliser l'une avec l'autre il demeure qu'elles appartiennent à deux sphères différentes (II). Pourtant, il apparaît que, bien que se prétendant de sphères différentes, chacune vise non pas à rivaliser comme une égale avec l'autre mais à l'englober, ce qui semble révéler un perpétuel conflit feutré (III). (Développement en trois parties) Parce qu'elles interrogent les mêmes évènements et s'assignent les mêmes objectifs, religion et philosophie peuvent rivaliser. [...]
[...] La religion, sous le joug de la philosophie, n'est plus la norme infaillible, la source fondamentale de nos codes moraux. C'est ce constat qui amène Nietzsche à poser que «Dieu est mort» (in Le Gai Savoir, III, 125), apophtegme célèbre qu'il explique par ces termes dans le Crépuscule des idoles : renonçant à la foi chrétienne, on se dépouille du droit à la morale chrétienne. Celle-ci ne va absolument pas de soi ( . Le christianisme est un système, une vision des choses totale et où tout se tient. [...]
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