« Quand je serai grand, je serai... » Tous les enfants rêvent leur futur, tous les hommes se font une image plus ou moins claire de la réalité à venir. Mais ces diverses représentations de l'avenir sont-elles pure fiction ou s'engagent-elles dans la réalité concrète de l'homme ? Peut-on se représenter l'avenir ? Et si nous avons ce pouvoir entre nos mains, a-t-il une réelle emprise sur le futur ? Ou celui-ci reste-t-il la marque de notre faiblesse, de notre incapacité à être maître de notre vie ? Ainsi, la possibilité que j'ai de m'imaginer l'avenir prouve-t-elle que j'ai une emprise sur lui ? (...)
[...] Ainsi la contre utopie cherche à représenter l'avenir pour mettre en garde contre les effets possibles de nos actions présentes. Elle ne cherche pas tant à prévoir l'avenir qu'à nous amener à changer notre manière de vivre le présent. Dans Le meilleur des mondes, Aldous Huxley nous renvoie l'image d'un avenir imaginaire dans lequel s'exalte le totalitarisme du plaisir et de la science, mais par là nous amène à penser les défaillances de notre société actuelle et à modifier nos comportements. [...]
[...] Anticiper l'avenir, c'est être fidèle. En outre, si l'avenir garde une part d'incertain, l'anticiper change ma manière de voir le monde aujourd'hui. En effet, mes préoccupations futures donnent sens à mon présent : il m'est essentiel de me représenter plus tard, dans le monde du travail pour comprendre aujourd'hui la nécessité de réussir mon cursus scolaire. Les enjeux de l'avenir viennent donc changer ma manière de vivre le présent. Se représenter l'avenir, c'est mesurer la conséquence de ses actes ; même si mes images du futur sont fausses, elles me permettent aujourd'hui de ne pas vivre qu'en fonction de l'instant et de penser mon existence dans sa continuité. [...]
[...] Bergson l'explicitera en montrant que le temps vécu par la conscience n'est pas comparable à l'instant mathématique : il est durée ; la conscience retient la passé et anticipe l'avenir en même temps qu'elle vit l'instant. Cette durée de la conscience donne sens à notre vie, elle unifie les instants disparates et nous permet de vivre le temps comme un tout. La possibilité de se représenter l'avenir est donc la marque de la dignité de l'homme. Par ailleurs, une opinion répandue dans notre société tend à montrer que l'avenir n'est que le fruit de la nécessité et qu'il est possible de le prévoir. [...]
[...] Cependant, se représenter l'avenir n'est peut-être pour l'homme qu'un moyen de refuser l'incontrôlable ; en effet, si nous pouvons maîtriser l'espace, le temps reste irréversible et les images que nous créons de notre futur ne sont peut-être que des illusions rassurantes nous empêchant de nous pencher vers le gouffre de l'imprévisible, de l'immaîtrisé. Ainsi, notre incapacité à nous représenter l'avenir semble être prouvée par la peur que nous en avons. L'expression populaire : tu sais ce que tu perds, tu ne sais pas ce que tu gagnes montre bien que nous ne pouvons prévoir notre vie future. [...]
[...] Se représenter l'avenir relève plus du devoir que de la possibilité, il est le seul moyen de donner une orientation fondamentale à notre existence, de ne pas se laisser guider comme des pantins. Mais notre capacité d'envisager l'avenir n'agit pas que sur nous-mêmes, elle implique notre responsabilité sur autrui. C'est en effet le rôle de la promesse que d'anticiper un avenir relationnel en posant un choix présent. Ainsi, en choisissant d'épouser telle personne unique, je m'engage par avance dans l'avenir auprès d'elle. [...]
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