"Mon royaume ne vient pas de ce monde" : la célèbre formule que l'Évangile de Saint Jean prête à Jésus confronté à Pilate, procurateur impérial en Judée, peu avant la crucifixion, symbolise assez bien les rapports paradoxaux du christianisme des origines avec le pouvoir politique : d'un côté, Jésus se conçoit clairement comme le guide spirituel des juifs pieux qui, comme Jean le Baptiste, attendent ardemment la venue du "royaume de Dieu". Cette expression est la traduction littérale, en français, de l'original grec hè basileia tou Théou, le terme grec de basileus désignant le détenteur du pouvoir royal et, plus tard, titre officiel de l'empereur byzantin ; de l'autre il s'agit, dans l'esprit des contemporains de Jésus, d'une royauté concrète, politique, s'accompagnant de gloire et de prospérité : celle du roi David, qu'il a chantée dans les nombreux psaumes qui lui sont attribués par la tradition, et de son fils Salomon, celle que les Maccabées ont essayé de rétablir contre les monarques grecs successeurs d'Alexandre (...)
[...] L'exemple du Christ, qui a eu la mort d'un contestataire, pousse les fidèles à s'interroger sur le sens de la justice qui est celui des autorités politiques. Une telle distance critique n'était guère de mise dans les religions païennes. Pour la même raison, l'avènement parfait de la volonté divine n'apparaît plus possible au chrétien au sein d'un royaume terrestre, mais seulement au terme définitif de l'histoire humaine, dont Dieu révélera le sens profond lors du jugement dernier. Contrairement à la plupart des religions pré-chrétiennes, le christianisme reporte donc dans l'audelà la réalisation parfaite de ses espérances. [...]
[...] En faire le but suprême de l'individu et même de la collectivité constitue l'une des grandes innovations du christianisme dans l'histoire de l'humanité. L'histoire humaine trouve son sens dans le déploiement d'un dessein divin, mais ce dernier n'atteint sa 4 plénitude que dans l'au-delà. C'est la véritable émergence des religions de salut, dont l'islam a constitué ensuite le deuxième grand exemple LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DANS L'EMPIRE ROMAIN CHRÉTIEN ET LES ROYAUMES CHRÉTIENS DU MOYEN ÂGE Une pareille révolution intellectuelle, morale et spirituelle ne pouvait rester sans effet sur la conception et l'exercice du pouvoir. [...]
[...] De ce fait, l'inscription Jésus de Nazareth, roi des Juifs que Pilate aurait fait apposer sur la croix en hébreu, en latin et en grec, apparaît proprement scandaleuse aux élites religieuses d'Israël, dont elle choque le sentiment patriotique, alors que les disciples de Jésus la vivent comme le symbole tragique de la fin de leurs espérances. La très large expansion qu'a connue le christianisme, qui est devenu au fil du temps une religion mondiale présente sur les cinq continents, même s'il est beaucoup plus faible en Asie qu'ailleurs, et son face-à-face souvent tendu avec les communautés juives qui refusaient d'accepter Jésus comme le véritable Messie d'Israël, a conduit beaucoup d'observateurs à penser que les deux religions rivales n'avaient pas grand-chose en commun et qu'il existe une véritable antinomie entre le peuple juif et les composantes essentielles de la foi chrétienne. [...]
[...] Le rituel même du sacre est repris de l'exemple biblique des rois d'Israël, avec usage de l'huile sainte, dont la royauté chrétienne mise en place par les Carolingiens et leurs successeurs se veut lefidèle héritage. La place éminente de l'Église au sein de l'État est alors consacrée Cette place n'en demeure pas moins une place à part. La hiérarchie ecclésiastique reste intrinsèquement distincte des hiérarchies civile et militaire, lesquelles doivent leur pouvoir à l'empereur (ou aux rois après la crise de l'État carolingien). Par son caractère sacré, elle tire en partie sa légitimité d'une source proprement divine, dans l'esprit des Européens du temps. Le monarque, quel qu'il soit, est donc contraint de la ménager. [...]
[...] Cette assertion marque un tournant décisif dans l'histoire religieuse de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Elle assure la cohésion du groupe des disciples de Jésus, quelque peu isolé au sein des courants majoritaires du judaïsme : elle tient en particulier une place centrale dans le discours de Simon Pierre devant les autorités religieuses juives rapporté par le livre des Actes des apôtres. Même si un certain nombre de pharisiens, contrairement aux sadducéens, croyaient à la possibilité d'une résurrection après la mort, le thème pascal de la résurrection a préparé aussi la spiritualisation du messianisme juif chez les chrétiens. [...]
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