La science nous a appris que 90% des actes que nous effectuons sont des actes automatiques qui ne proviennent pas directement de la volonté : nous pensons "marcher" et le corps par lui même effectue "plier la jambe", "lever la jambe", "tendre la jambe", "mettre le pied en avant"... Nous effectuons tous les jours de tels actes sans même nous en rendre compte. C'est d'ailleurs ce qui explique une des difficultés éprouvées au quotidien par les personnes atteintes de la maladie de Parkinson : elles doivent penser chacun de leur geste dans son intégralité. Cette idée nous pousse à nous interroger sur le rapport qui existe entre notre volonté et les actions de notre corps et de là sur le rapport plus général du corps et de la volonté. Or, l'idée de volonté implique à sa suite celles de liberté et de moralité. Sachant que ces actions automatiques peuvent être aussi des réflexes ou des réactions immédiates à des causes précises, comme l'irritation, la peur ou encore la joie, on peut s'interroger sur le lien qui unit ces actions à notre volonté, sur ce qui motive nos actes et donc sur ce qui lie notre corps plus largement à notre moralité. Si le corps peut agir, et parfois très mal agir, sous le coup de l'irritation ou de la peur, si le corps est ce qui exprime automatiquement en nous des pensées sans que l'on puisse l'en empêcher, comment pouvons nous atteindre et prouver notre moralité, notre volonté de respecter des valeurs ? Faudrait-il refuser d'écouter son corps ou de le laisser s'exprimer à sa façon ? Le refus du corps est-il la condition de la moralité ? Un véritable problème se pose sur le rapport de dépendance qui peut exister entre le corps et la moralité : Dans quelle mesure la moralité d'un être dépend-elle de son rapport au corps, c'est-à-dire de son acceptation ou de son refus du corps ? Dans quelle mesure l'accès et l'expression de la moralité dépendent-ils du rapport que l'on établit avec son propre corps ? Ce problème est évidemment à prendre en considération puisqu'il se retrouve dans tous nos actes quotidiens. Diverses thèses sont intervenues au sujet de ce rapport de dépendance de la moralité au corps et les réponses sont très différentes et parfois opposées, mais il va nous falloir en trouver une qui nous paraîtra la plus complète possible.
[...] On ne voit pas la corde qui le rattache au puits, qui le rattache au ventre de la terre. L'homme ne peut s'empêcher de boire, de manger, de respirer et ce qui marque cette nécessité chez lui est la douleur qu'il éprouve, et bien sûr la menace de mort qui plane sur lui, s'il n'en a pas la possibilité. Le corps est source de souffrance et pour éviter la souffrance extrême qu'il peut lui faire ressentir, l'homme est souvent prêt à tout : à l'égoïsme, au vol, au meurtre ou même à l'anthropophagie sa moralité dépend de sa capacité à supporter la souffrance, à la repousser, à faire abstraction de ces douleurs physiques et donc de son propre corps. [...]
[...] Il paraît donc nécessaire de refuser le corps pour prouver sa moralité. Le corps ne montre pas ce que nous sommes, il ne se laisse pas facilement maîtriser par notre volonté, et souvent, ses actions ne dépendent pas de ce que nous sommes réellement. Ce n'est qu'une enveloppe vide de sens, une substance matérielle dont il nous faut faire abstraction pour que la moralité puisse s'établir. Le corps se présente donc comme une substance matérielle, tout à fait distincte de notre âme, de ce qui nous permet d'être libre, c'est-à-dire notre volonté, notre conscience. [...]
[...] Le refus du corps est-il la condition de la moralité ? Un véritable problème se pose sur le rapport de dépendance qui peut exister entre le corps et la moralité : Dans quelle mesure la moralité d'un être dépend-elle de son rapport au corps, c'est-à-dire de son acceptation ou de son refus du corps ? Dans quelle mesure l'accès et l'expression de la moralité dépendent-ils du rapport que l'on établit avec son propre corps ? Ce problème est évidemment à prendre en considération puisqu'il se retrouve dans tous nos actes quotidiens. [...]
[...] On constate donc que le corps est un tout tendant à sa propre conservation, à sa propre survie. Pour cela, une certaine forme de résistance lui est nécessaire. Si la condition de la moralité n'est ni uniquement le refus du corps ni uniquement son acceptation, on peut penser que c'est la reconnaissance du corps comme partie intégrante de l'être et en perpétuelle relation et interdépendance avec l'âme. Le corps, en tant qu'aspect contingent de notre être est aussi ce qui nous maintient, en quelque sorte techniquement en vie. [...]
[...] La condition de ma moralité n'est pas uniquement l'acceptation du corps, c'est la reconnaissance du corps comme un tout. L'âme, la pensée me donnent une volonté que le corps ne peut me donner et c'est la volonté qui me rend libre et donc capable de moralité dans le monde concret que le corps me permet d'atteindre. On retrouve ce rapport d'interdépendance chez Spinoza, dans le livre IV de son Ethique, lorsqu'il dit : Plus le corps est capable d'être affecté et capable d'affecter les autres corps [ plus l'Esprit est capable de penser. [...]
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