Après avoir étudié au premier semestre la conception aristotélicienne de l'homme, nous nous tournons plus particulièrement vers son éthique. En effet, nous avions vu au travers de la découverte de son œuvre, qu'aucune anthropologie en tant que telle n'avait été écrite par Aristote, sinon une description de la place de l'homme comme animal dans la nature, à laquelle s'ajoutaient des ouvrages d'éthique et de politique, traitant de l'humain en particulier. Aristote se plaçait ainsi dans différentes perspectives pour étudier un seul et même objet : l'homme. Nous nous demandions alors si la philosophie morale qui se dégageait de cette étude de l'homme, résultait d'une déduction nécessaire de sa philosophie de la nature, dont les principes étaient omniprésents dans toute l'œuvre. Nous avions finalement observé le rôle important dans la philosophie morale d'Aristote, qui était laissé à la volonté et à la liberté de l'homme face au choix moral que constitue chaque acte particulier, dans son propre contexte.
A présent, repartant de cette étude de la morale aristotélicienne, nous en constatons l'influence sur certaines philosophies morales contemporaines, notamment l'éthique dite « de la vertu ». Ses divers représentants en effet, promoteurs de différentes tendances, revendiquent chacun les racines aristotéliciennes de leur pensée.
Mais quelle pertinence peut avoir une utilisation de la morale aristotélicienne dans notre contexte contemporain ? Les éthiciens de la vertu semblent en éviter les écueils et trouver une cohérence dans cette ré-utilisation. Cependant leur interprétation d'Aristote est-elle fidèle d'une part, et d'autre part suffisante pour répondre aux besoins d'aujourd'hui en matière morale ?
Nous verrons dans un premier temps ce que les divers représentants de l'éthique de la vertu, notamment MacIntyre et les dits « communautariens », reprochent à ceux qui se sont emparé de la modernité, et en quoi ils se réclament d'une considération de l'importance d'un retour à la réflexion sur des thèmes aristotéliciens. Puis, nous examinerons comment ils ré-utilisent ces thèmes, quelles sont les notions aristotéliciennes qui sont particulièrement présentes dans leurs pensées. Enfin nous questionnerons la pertinence de cette ré-appropriation et de son aptitude à résoudre les problèmes pratiques contemporains en matière de morale. Après avoir tenté de répondre à des objections qui leur sont faites, nous chercherons sous quelle modalité leurs revendications pratiques doivent être utilisées dans le contexte actuel.
[...] Il s'agit donc d'être vertueux naturellement, en accomplissant ainsi sa propre finalité[13]. Aristote ne distinguant pas vertu et nature, ne sépare pas non plus la pensée du désir, n'oppose pas le rationnel et l'irrationnel. Dans l'agent, les puissances intellectives et appétitives sont unifiées, on n'observe pas de dualisme cartésien âme/corps en l'homme. Il y a une certaine harmonie en lui. C'est précisément ce que les éthiques de la vertu conservent de cette anthropologie particulière : une certaine exigence de symétrie qu'on pourrait encore appeler unité de la personne. [...]
[...] Nous avons vu dans le précédent minimémoire que la cosmologie d'Aristote avait une importance méthodologique dans toute son œuvre ; de quelle nature est donc cette influence, et son invalidité contemporaine entraîne-t-elle celle d'une reprise des principes éthiques ? Est-il acceptable par exemple de partir du postulat que l'épanouissement de l'homme réside en le perfectionnement de son être entendu comme réalisation de sa fin naturelle ? Que comme la fonction du vivant est de vivre, la fonction de l'homme serait de se réaliser pleinement dans la vertu ? [...]
[...] Le droit naturel concerne à chaque fois le meilleur en référence à la contingence matérielle de la circonstance. Aristote n'aurait pas alors une conception naturaliste du droit au point que l'ordre du cosmos soit le critère de l'ordre politique Les partisans des éthiques de la vertu, eux, répondront qu'ils n'utilisent pas la cosmologie aristotélicienne, mais qu'ils en conservent les notions de Bien, de finalité, de communauté et de vertu, notamment de prudence, en partant de points de départ autres que l'anthropologie ou les Physiques. [...]
[...] Simon Blackburn, Bernard Williams[7] et Martha Nussbaum se font avocats de cette nécessité de repartir de certaines éthiques du passé, antiques ou médiévales. Les instigateurs de l'éthique de la vertu critiquent en la modernité les pensées qui héritent d'un passé qu'elles ne veulent inclure ni admettre. Les débats moraux mettent en circulation des thèmes, des concepts qui viennent du passé. Ils ont été comme détachés des traditions. MacIntyre appelle cela Survivances fragmentaires d'une époque antérieure Les débats utilisent des termes dont ils nient l'origine ; il faut comprendre en profondeur ces termes. [...]
[...] On comprend donc que sous cet angle, être communautarien est une façon de pratiquer l'éthique de la vertu. Pour M. Walzer, la morale formelle dite minimaliste trouve son origine dans la morale substantielle dite maximaliste Elles ne sont pas opposées, mais articulées comme le décrit Frédéric GONTHIER (GEPECS Université René-Descartes Paris dans les Cahiers internationaux de sociologie, P.U.F, nº 119 2005/2, commentaire des Sphères de la Justice de Walzer, Éditions du Seuil, Collection La Couleur des idées pages. (Édition originale américaine : 1983). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture