Est-ce parce que les oeuvres d'art paraissent sans finalité que l'on n'en finit pas de leur chercher malgré tout une fonction ou une efficacité ? On a pu les considérer comme porteuses de contenus idéologiques, comme prophétiques, ou comme constituant un mode particulier de connaissance. Se demander si l'art modifie notre conscience du réel est en apparence plus modeste, puisqu'il s'agirait de repérer, non une fonction, mais un effet : l'art, par la seule présence, suffirait à transformer la conscience. N'est-ce pas ce que révèlent la méfiance qu'il suscite dans la philosophie, ou le contrôle que les régimes totalitaires veulent impose ? Si l'on admet que toute image est dotée d'un pouvoir, l'art, même s'il n'est pas qu'images, paraît en mesure de modifier notre conscience du réel (...)
[...] Ce qui suppose, en amont d'un tel jugement, que la peinture a informé le regard. Les arts visuels ne sont pas les seuls à modifier ainsi notre rapport au réel: la danse nous apporte une perception différente du corps en mouvement, la musique nous invite à entendre différemment les bruits de la nature, etc. Globalement, on peut donc affirmer que tout art dont les éléments entretiennent avec le réel une relation au moins analogique commence par modifier la perception que nous en avons. [...]
[...] L'art transforme-t-il notre conscience du réel? Est-ce parce que les oeuvres d'art paraissent sans finalité que l'on n'en finit pas de leur chercher malgré tout une fonction ou une efficacité? On a pu les considérer comme porteuses de contenus idéologiques, comme prophétiques, ou comme constituant un mode particulier de connaissance. Se demander si l'art modifie notre conscience du réel est en apparence plus modeste, puisqu'il s'agirait de repérer, non une fonction, mais un effet: l'art, par la seule présence, suffirait à transformer la conscience. [...]
[...] En ce sens, l'objet peint ou dessiné n'est pas l'équivalent de l'objet réel qui sert de modèle: il dépend d'une activité de l'esprit et appartient à la sphère de ce dernier. Un rocher est naturel, son dessin est spirituel, et nous révèle une capacité de tenir le réel à distance pour en élaborer des interprétations éventuellement artistiques. Une telle opération suffit à modifier la conscience première du réel, ne serait-ce qu'en accordant une valeur nouvelle à certains de ses aspects. [...]
[...] Les transformations que l'art apporte à notre conscience du réel sont diverses selon les formes artistiques, mais elles semblent incontestables. Au point que l'on peut en venir à se demander, puisque la diversité historique des oeuvres est telle, à travers les époques et les cultures, que toute tentative de définition universelle de l'art semble vouée à l'échec, si cette capacité ne fournirait pas un critère permettant de le cerner à coup sûr: pour peu que la conscience du réel se trouve modifiée par des voies d'abord sensibles, on aurait bien affaire à de l'art. [...]
[...] Que John Cage consacre l'une de ses compositions au silence a pour effet, non seulement d'élargir la définition de ce que peut être la musique, mais aussi de placer l'auditeur dans une écoute plus accueillante à tous les bruits qui peuvent survenir au cours de ces minutes 33". De telles stratégies de simple présentation ont donc pour effet de nous révéler des aspects du réel dont nous n'aurions pas conscience en l'absence de ces formes d'art. La liberté de l'art relativement au réel en modifie la conscience possible. Tout d'abord, l'art expose la liberté de l'esprit. [...]
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