Avec la crise économique actuelle, les gouvernements du monde entier ont appelé à instaurer plus d'éthique dans les rémunérations des traders ou des grands patrons d'entreprises, certains allant même jusqu'à imposer un montant plafonné par le biais de la loi. Cet évènement récent semble accréditer l'idée que nos sociétés contemporaines ont effectivement besoin d'éthique. Cependant, l'exemple choisi montre que l'éthique, ici liée au monde financier, ne coïncide pas tout à fait avec la définition de la philosophie antique. Il existerait donc une éthique propre à nos sociétés, entendues comme occidentales, démocratiques et laïques, qui répondrait à des besoins spécifiques.
L'éthique est souvent confondue avec la morale. Pourtant, si la morale est un ensemble d'impératifs catégoriques qui commandent de faire le Bien, posé comme une loi universelle, l'éthique, quant à elle, établit les critères pour juger si une action est bonne ou mauvaise ainsi que pour juger des motifs et conséquences d'un acte. La finalité de l´éthique fait donc d'elle une activité pratique. Il ne s'agit pas d'acquérir un savoir pour lui-même, mais d'une démarche réflexive et consciente qui indique comment les hommes doivent se comporter et agir entre eux dans un espace donné. De fait, l'éthique permet de répondre à la question « Comment agir au mieux ?» Aujourd'hui, les philosophes contemporains comme P. Ricoeur entendent l'éthique de façon matérialiste, c'est-à-dire comme la réalisation raisonnable des besoins et donc du bonheur, ce qui peut légitimer certains actes immoraux.
[...] Dès lors, à l'ère de l'individualisme concret (qui succède à l'ère du religieux et à celle du politique selon M. Gauchet), tous les modèles identificatoires ou normatifs par lesquels l'individu pouvait se construire ont disparu puisqu'il refuse de voir son devoir prescrit par une quelconque valeur morale transcendante. L'ère des convictions absolues de la morale qui s'imposent à tous semble donc définitivement révolue. De fait, aujourd'hui, l'individu est sorti de l'assujettissement et des normativités imposées par les institutions. Il déploie sa liberté sans équivalence avec ce qui prévalait dans les sociétés anciennes. [...]
[...] Cependant, des nuances plus graves peuvent être apportées. Il en va ainsi de l'institutionnalisation de l'éthique évoquée précédemment. Ce qui fait la force du droit, c'est qu'il est simple en comparaison de l'éthique. Il n'engage pas en une réflexion en profondeur, il n'a pas de préoccupation ontologique ou de doute métaphysique. Or, une véritable ethnicisation des pratiques suppose une éducation à l'éthique. Il faut qu'il y ait place pour une réflexion véritable sur le sens de nos gestes et les valeurs qu'ils véhiculent. [...]
[...] C'est en cela que l'éthique contemporaine diffère de l'éthique ancienne. Alors que la technique a longtemps été considérée comme un moyen d'accroître la connaissance des hommes tout en concourant à leur bonheur étant donné qu'elle a permis de libérer l'humanité de la tyrannie des lois naturelles, nous avons découvert à nos dépens qu'elle était également porteuse de dangers puisqu'elle était capable de bouleverser l'ordre naturel et humain. En effet, l'histoire du XXe siècle a montré que tout ce qui est possible techniquement n'est pas nécessairement souhaitable pour l'être humain. [...]
[...] Les technocrates ne peuvent pas tirer prétexte de la complexité des situations pour discréditer l'opinion publique, mais, au contraire, ils doivent favoriser une meilleure éducation et information des individus. D'autre part, il faut se méfier des discours sur l'éthique qui se résument souvent à une déclaration de bonnes intentions. Selon M. Friedman, La seule et unique responsabilité sociale des entreprises, c'est de faire des profits Cette déclaration amoindrit donc considérablement la portée de l'élan d'éthique appliquée à l'économie, car, ici, l'éthique ne serait qu'une idéologie secrétée par l'entreprise pour maximiser ses profits : la Business Ethics ne serait alors qu'une instrumentalisation utilitariste de l'éthique. [...]
[...] Vers une société totalement régulée par l'éthique ? À l'heure actuelle, dans quelque domaine que ce soit, il est question d'éthique, puisque, nous l'avons vu, aucun secteur n'échappe à des mutations qui bouleversent nos repères traditionnels tandis que l'individu doit répondre de ses actes. C'est pourquoi il s'impose de façon naturelle une réflexion concernant ces changements. Il s'agit de l'éthique appliquée, sous catégorie de l'éthique, qui va adapter des principes éthiques généraux à une branche particulière telle que, de manière non exhaustive, l'économie et les finances, les médias, l'environnement, la science, le domaine social ou encore l'action de l'État. [...]
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