Recours, récits imagés, forme, argumentation efficace, apologue
Un court récit imagé, c'est de cette manière que l'on pourrait définir l'apologue, en n'omettant pas de préciser sa caractéristique primordiale, son dessein moralisateur. Bien entendu, il n'est pas le seul genre littéraire pouvant entrer dans la catégorie imagée, mais c'est en cela que la fable est une forme d'argumentation privilégiée par certains auteurs, comme La Fontaine au XVIIe, mais depuis bien plus longtemps encore, avec les œuvres d'Esope ou encore celles d'Abstemius. Un petit conte amusant prend ainsi place, et séduit les lecteurs en touchant un public plus large; mais les lecteurs sont-ils tous capables d'intégrer une morale parfois trop abstraite ? La critique est déguisée, par l'animalisation fréquente des vices humains, ce qui peut rendre dans certains cas la leçon plus facile à intégrer, bien que l'on puisse s'interroger, peut-on ainsi se sentir toujours concerné ?
[...] En effet, la fable est rédigée en vers et rimes, et avec une expression quasi grandiloquente parfois, ou du moins dans un registre de langue quelque peu soutenu, comme par exemple l'expression « immolez tous Ce traître à ses augustes mânes » ou l'adverbe « jadis ». Ceci s'explique de par leur ancienneté, les plus connues étant, outre celles datant de l'Antiquité car c'est un genre littéraire ancien, les Fables de La Fontaine, qui remontent au XVIIe siècle. Il peut donc être plus difficile aujourd'hui de comprendre dans son intégralité le sens de certains apologues. Toutefois, ceci n'est pas uniquement caractéristique à ce genre littéraire, mais simplement représentatif du décalage temporel. [...]
[...] En cela, on pourrait envisager de qualifier cet écrit lui aussi de « récit imagé » puisque construit son argumentation sur la découverte de cette nation inexplorée, alors qu'elle n'est pas si mystérieuse, mais indiquée de façon implicite. Madame de Sévigné, avec sa « Lettre à Pomponne », traite elle aussi du même thème dans un petit apologue qui conteste également l'hypocrisie des courtisans. Elle met en scène le Roi, qui a écrit un « petit madrigal » et reçoit le maréchal de Gramont, vraisemblablement pour le lui présenter. [...]
[...] C'est pourquoi les fables ne sont probablement pas toujours comprises par tous, leur efficience n'est donc pas toujours vérifiée. En outre, la présence d'animaux, même anthropomorphes, et leurs actions parfois loufoques annonçant un monde fantaisiste divertissent. Par exemple, une tortue peut voler portée par des canards qui lui « forgent une machine », et imaginer qu'elle puisse ainsi voyager jusqu'en « Amérique », ce qui est bien sûr impossible, fait sourire. En se comportant comme des hommes, un aspect comique s'installe, puisque les personnages ont une attitude qu'ils n'auraient pas d'ordinaire, et irréaliste quant à leur nature originelle. [...]
[...] De plus, l'apologue est un bref récit, condensé en une page maximum la majorité du temps. L'attention est ainsi décuplée et la monotonie empêchée par la concision de l'expression qui va accompagner la brièveté de la fable; n'est écrit que l'essentiel, ne laissant pas de place à la redondance des propos. Le lecteur est plus concentré et son esprit plus frappé par ce qu'il lit, d'ailleurs il le retiendra certainement mieux. En effet, cela serait moins le cas avec un texte plus conséquent tel que « Des cannibales » de Montaigne, qui bien qu'il invite également à une réflexion approfondie, aurait plus facilement tendance à lasser le lecteur, ou du moins à faire fléchir son attention à certains moments, contrairement à l'apologue qui est moins long, et n'aura pas le temps de l'ennuyer. [...]
[...] De plus, en faisant la satire de défauts du caractère de l'homme, le fabuliste peut encourager le lecteur à se pencher sur son propre cas. En effet, la variété des personnages s'efface sur un caractère commun à tous, ils incarnent, tous autant qu'ils sont, des hommes, imparfaits, et chargés d'exposer leurs vices; cela va servir leur satire, que le fabuliste s'efforce de faire. En outre, si l'on prend l'exemple de « La tortue et les deux canards », la fin est brutale puisque l'animal « crève » au pied de ses admirateurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture