Demander si l'on reconnaît l'artiste à son savoir-faire, c'est interroger la pertinence du savoir-faire comme critère de distinction d'un artiste et de l'art en général. Si le savoir-faire permet de reconnaître l'artiste en tant qu'artiste, alors c'est qu'il intervient de manière essentielle dans la définition même de l'art. Or, la difficulté réside dans le fait que le savoir-faire apparaît également comme un critère d'évaluation de l'artisan ou du technicien. D'où le problème : comment distinguer les beaux-arts des productions techniques en général si leur critère d'évaluation est identique ? Il importe donc d'examiner et de penser le statut réel du savoir-faire dans l'art.
[...] La maîtrise technique est une condition nécessaire de la création artistique Si le génie ne s'apprend pas, ce talent ne peut s'exercer que grâce au savoir-faire. En effet, la création artistique ne se limite certes pas à une opération technique, mais elle implique néanmoins la considération d'une fin, visée plus ou moins précisément par l'artiste. On peut, là encore avec Kant (Critique de la faculté de juger), penser la nécessité du savoir-faire et de son apprentissage dans l'élaboration de cette fin. [...]
[...] Il importe donc d'examiner et de penser le statut réel du savoir-faire dans l'art. Oui, on reconnaît l'artiste à son savoir-faire Le savoir-faire permet d'identifier un artiste ou un courant artistique Si le savoir est à lui-même sa propre fin, le savoir-faire s'en distingue en ce qu'il est entièrement tendu vers sa finalité, qui est de produire. C'est un savoir qui mobilise à la fois des connaissances théoriques et des connaissances pratiques: il implique d'une part la connaissance des règles techniques de production et d'autre part une certaine expérience, voir une certaine habilité dans la mise en œuvre de ces règles. [...]
[...] III- La reconnaissance du statut nécessaire du savoir-faire Le savoir-faire est nécessaire à l'innovation et au développement des règles de production Le savoir-faire, comme connaissance des règles de production, s'avère en effet nécessaire, ne serait-ce que pour savoir défaire ou transgresser ces règles. Un cinéaste comme Godard, dans A bout de souffle, n'hésite pas à transgresser la règle des raccords entre les plans pour dynamiser une séquence et retrouver une vérité derrière la vraisemblance organisée et réglée du cinéma qu'il voulait dépasser. On reconnaît ici l'artiste à sa capacité à bousculer un savoir-faire parfois un peu sclérosé. [...]
[...] Le savoir-faire est donc nécessaire à l'activité artistique. La connaissance et l'expérience élargissent et enrichissent les pratiques de l'artiste, et la particularité avec laquelle ce dernier met en œuvre son savoir-faire permet à la fois de caractériser son travail et de l'évaluer, en partie du moins. En partie seulement, car ce savoir-faire ne saurait constituer le critère essentiel de l'art: le savoir-faire est nécessaire mais non suffisant pour pouvoir reconnaître un artiste en tant que tel. [...]
[...] Reconnaître un artiste, c'est ici le distinguer et le célébrer grâce à un processus d'évaluation; C'est ainsi que la légende, depuis l'Antiquité, célèbre Zeuxis pour son savoir-faire dans l'art du trompe-l'œil. De même, de nos jours, on distingue parfois un cinéaste en raison de la virtuosité de ses mouvements de caméra. L'habileté, voire la virtuosité dans le savoir-faire, devient ainsi le critère même de l'art. C'est là le sens de l'expression: faire avec art L'art désigne ici une habileté dans le savoir-faire, une habileté native ou acquise, qui distingue l'artiste. Ce savoir-faire se rapproche ainsi de la notion de style. [...]
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