L'analyse classique de la science insiste sur sa quête d'une vérité démontrée. Cette vérité serait « pure », c'est-à-dire libre de tout intérêt, et la technique viendrait ensuite déduire des connaissances scientifiques des applications utiles à l'homme et à la société.
On peut toutefois s'interroger sur la coïncidence entre une telle analyse et la réalité du travail scientifique. Très vite, la science a en effet été liée à des possibilités nouvelles d'agir sur le monde, et ses développements récents confirment amplement cette tendance. Les recherches, parce qu'il est nécessaire d'en compenser les financements par des retombées économiquement intéressantes, semblent de plus en plus préoccupées, sinon orientées, par une finalité technique, au point qu'il est nécessaire de s'interroger sur le rôle que peut y jouer le souci de la vérité: celle-ci ne se résume-t-elle pas de plus en plus à un point de vue utilitariste, c'est-à-dire au fait que « ça marche »?
[...] On comprend aisément que cette possibilité risque d'être prise en compte lorsqu'il s'agit de choisir la recherche qui sera financée. La recherche, même si on la croit toujours consacrée à la quête de la vérité, est ainsi orientée dès ses débuts par le souci d'une certaine efficacité, à la fois technique et économique. Les scientifiques eux-mêmes ne sont pas responsables de cette orientation, qui provient du système dans lequel il leur faut s'intégrer, un système tel que, à tout projet de recherche, on pose d'abord la question: A quoi ça peut servir? [...]
[...] Le calcul (étymologiquement petit caillou est d'abord une façon de mettre en correspondance, un à un, des cailloux et des marchandises. Donc, s'il est vrai que ce n'est qu'à partir du moment ou se forme le raisonnement sur des notions définies a priori que l'univers mathématique existe bien en tant que tel, on doit admettre que sa pureté a été précédée par de longues périodes au cours desquelles la seule vérification était produite par la considération de l'efficacité immédiate: était juste ce qui se révélait utile ou pratique relativement aux besoins du moment. [...]
[...] Lorsque Bacon espère l'alliance de l'expérimental et du rationnel, c'est dans l'optique d'une connaissance qui soit capable de commander à la nature au profit de l'homme. Et Descartes prend soin de préciser, dans le Discours de la méthode, que la vérité qu'il s'agit de trouver dans les sciences ne manquera pas d'avoir des conséquences sur l'existence humaine: la médecine, qui constitue, avec la mécanique et la morale, l'une des trois branches de l'arbre symbolisant la science, nous permettra bientôt de rallonger la vie. [...]
[...] Si l'habitude a progressivement été prise de considérer par exemple que l'astronomie ou la mécanique sont des disciplines mathématiques cela ne signifie aucunement qu'en leurs débuts, elles aient été de pures spéculations abstraites. L'astronomie suppose initialement, outre l'observation, l'adoption de présupposés philosophiques ou métaphysiques: lorsque Platon donne, avec le Démiurge du Timée, le principe d'une constitution mécanique du cosmos, c'est pour aider l'esprit à percevoir un ordre d'origine divine au-delà des phénomènes tels que nous pouvons les observer. De son côté, la mécanique est d'abord un art de construire des machines, soit une pratique d'artisans, puis d'ingénieurs. [...]
[...] Pour excessif qu'il soit, le parallélisme suggère au moins que la recherche de l'efficacité technique et sa reconnaissance comme critère de validité d'un savoir condamnent à se préoccuper beaucoup moins de ce que peut être la vérité. La recherche de l'efficience est prioritaire: Dans cette optique, Jean François Lyotard nomme efficience ce qui est désormais le but de la recherche scientifique: c'est une opérativité contrôlée, prévisionnelle Ce qui importe, c'est que le discours scientifique soit opératoire, c'est-à-dire qu'il permette de réaliser certaines opérations dans un domaine donné. [...]
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