Lorsqu'une nation est secouée par des dérives autoritaires, l'individu est indéfectiblement porté vers la défense de son souverain bien : son bonheur. En effet, si l'Etat tyrannique est incapable d'assurer mes intérêts singuliers et personnels, desquels procèdent inéluctablement mon bonheur, j'en viendrais nécessairement à tenter d'attenter à l'intérêt général au profit de mon intérêt particulier : si la France occupée sous le régime de Vichy a vu se multiplier les collaborateurs, c'est parce qu'ils désiraient avant tout assouvir et apaiser leur soif de bonheur, en satisfaisant leurs intérêts propres, au détriment de l'intérêt de la nation.
Il semblerait par conséquent qu'il existe une inadéquation conceptuelle radicale entre le bonheur et la morale : de ce constat, il semblerait évident d'admettre que pour que des exigences de moralité soient observées, l'individu doit ostraciser son bonheur personnel en faveur d'intérêts communs qu'ils partageraient avec d'autres individus. Dès lors, force est de constater que la quête absolue du bonheur est avant tout une quête de l'individu pour l'individu, quête qui apparaît alors égoïste et aveugle à autrui, ce qui tend à affirmer que la recherche du bonheur est immorale.
Toutefois, le problème semble se complexifier : en effet, tous les individus recherchent une forme de bonheur, si bien que le bonheur ne semble pas immanent à un sujet nommément désigné mais plus largement à l'homme. La recherche du bonheur serait donc davantage universelle et constituerait par conséquent l'apanage de l'homme, si bien que l'on doit admettre que la recherche du bonheur n'est pas nécessairement immorale. Le bonheur n'est donc pas à concevoir comme l'assouvissement complet des intérêts immédiats, mais davantage comme un état propre à l'homme, état duratif et qui s'apparenterait à une plénitude absolue. Le bonheur se tisse donc également par un rapport avec autrui, car il est évident que l'individu en conflit permanent avec l'autre ne côtoie pas la sphère du bonheur, précisément parce qu'il est en désharmonie avec l'autre, et peut-être soi. Le problème est alors le suivant : la recherche du bonheur est-elle nécessairement immorale, et dans ce cas le bonheur est à concevoir comme radicalement opposé à toute aspiration à la moralité, ou bien le bonheur n'est-il pas compatible avec l'impératif de moralité, et dans ce cas il nous faudra admettre que les deux concepts ne sont pas exclusifs, mais corrélés ?
[...] Dans une telle optique, le bonheur est le résultat d'une recherche de la vertu, le bonheur ne comporte donc pas une fin en soi. Cette vision téléologique de la recherche de la vertu comme prémisse nécessaire à l'accession au bonheur révèle que le bonheur procède d'un dévoilement progressif et désintéressé. Ainsi, seul le sage est capable d'y accéder, par la constante recherche de la vertu qu'il mène. Transition : A l'examen, il semblerait qu'une telle acception du bonheur est également hors de portée pour l'homme : idéale, elle suppose une recherche de la vertu, présupposant ainsi que seul l'homme sage tant est qu'il puisse exister –peut l'atteindre, indirectement et par une recherche désintéressée : celle de la vertu. [...]
[...] La recherche du bonheur est-elle nécessairement immorale ? Introduction Lorsqu'une nation est secouée par des dérives autoritaires, l'individu est indéfectiblement porté vers la défense de son souverain bien : son bonheur. En effet, si l'Etat tyrannique est incapable d'assurer mes intérêts singuliers et personnels, desquels procède inéluctablement mon bonheur, j'en viendrais nécessairement à tenter d'attenter à l'intérêt général au profit de mon intérêt particulier : si la France occupée sous le régime de Vichy a vu se multiplier les collaborateurs, c'est parce qu'ils désiraient avant tout assouvir et apaiser leur soif de bonheur, en satisfaisant leurs intérêts propres, au détriment de l'intérêt de la nation. [...]
[...] Ainsi, le bonheur n'est pas une force inconnue isolable et isolée, sa recherche est davantage la marque d'une quête de spiritualité, rationnelle et cohérente. En ce sens, la quête intarissable du bonheur est intrinsèquement et extrinsèquement liée à la morale. Ainsi, bonheur et quête spirituelle sont corrélatifs, et vont de pair. Force est alors de constater que bonheur et vertu sont consubstantiels. Car l'adéquation de soi avec soi préjuge de la volonté d'une introspection qui se veut avant tout révélatrice du bonheur. [...]
[...] Transition : Pourtant, la recherche incessante du bonheur est une donnée humaine et ne s'apparente pas nécessairement à une quête du plaisir. Si une telle quête est réduite à la seule réalité personnelle et individuelle d'assouvissement du plaisir et des inclinations particulières, elle bute sur sa propre finitude. En tant que quête de la vertu et de la concorde spirituelle, la recherche du bonheur rend compte alors de son lien avec la morale. II/ Le lien infrangible entre recherche du bonheur et morale Néanmoins, malgré l'acception possible d'un bonheur égoïste qui ne vise qu'à apaiser les désirs intarissables d'un individu, le bonheur ne saurait être réductible à cette seule réalité : l'assouvissement constant d'un désir qui renaît de ses cendres. [...]
[...] Se soumettre à des passions spontanées et immédiates sous prétexte qu'elles sont ce par quoi le bonheur de l'individu est assuré atteste de l'absence d'autonomie du sujet, qui ne parvient pas à s'arracher de ses passions grâce à la raison qui édictait la loi. De là procède l'idée que renoncer délibérément à sa liberté au profit du bonheur est fondamentalement immoral. Néanmoins, il serait vain de nier que la recherche du bonheur reste par essence ni morale ni immorale, en tant qu'elle n'entretient pas nécessairement un rapport avec la morale. Cette amoralité de la recherche du bonheur est patente tant qu'elle n'est pas attentatoire à la liberté de l'individu, en voulant s'y substituer. [...]
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