S'il est exact de dire que l'oeuvre d'art n'existe qu'au travers de notre subjectivité et de notre imagination, il faut pourtant se demander si cela ne lui apporte pas une réalité tout aussi importante, et même peut-être plus importante que la réalité qui est désignée habituellement. N'existe-t-il pas une objectivité de la subjectivité, qui est la marque la plus forte de la présence humaine, et de son pouvoir de création ? (...)
[...] Se rajoute à tout cela le caractère imaginaire de l'art. En effet, un romancier ou un peintre, crée de toutes pièces les situations, les personnages, les histoires qu'il va nous offrir. L'imagination, au même titre que la sensibilité, semble faire s'échapper l'œuvre d'art de la réalité. Celle-ci ne servirait plus alors qu'à nous divertir et à nous échapper du réel. Il existe donc bien des raisons, en ce qui concerne la spécificité d'une œuvre d'art, de douter de son caractère réaliste. [...]
[...] Les œuvres d'art sont-elles des réalités comme les autres ? Introduction L'œuvre d'art peut souvent faire l'objet d'un dédain ou, au mieux, d'un sourire conciliant. C'est le cas pour ceux qui la ramène à un produit purement subjectif et imaginaire, dont le but serait de nous faire échapper à la réalité et de nous divertir. Dans ces conditions, son statut de réalité serait inférieur aux autres, voire inexistant. S'il est exact de dire que l'œuvre d'art n'existe qu'au travers de notre subjectivité et de notre imagination, il faut pourtant se demander si cela ne lui apporte pas une réalité tout aussi importante, et même peut-être plus importante que la réalité qui est désignée habituellement. [...]
[...] [Transition] La réalité des oeuvres d'art, comme nous le voyons, ne va nullement de soi. Car elle relève de sa particularité de posséder certaines propriétés, comme la sensibilité et l'imagination, qui peuvent facilement amener la définition hâtive d'objets irréels. Cette définition se discute, justement parce que ces propriétés font la spécificité et la valeur d'une oeuvre d'art, mais que en plus, sans elles, l'art disparaîtrait, et tout un aspect de la réalité avec lui. Il se confondrait avec la réalité extérieure qui est approchée par d'autres moyens, mais réduirait de manière très importante les possibilités de création de l'homme. [...]
[...] Comme a pu le montrer Kant dans sa Critique de la faculté de juger, l'œuvre d'art fait intervenir un jugement réfléchissant, qui part toujours du particulier pour aller au général, alors qu'une loi scientifique qui s'impose par sa nécessité, et qui donne des prévisions vérifiables et calculables, fait intervenir le jugement déterminant, qui va du général (une théorie, ou une loi) au particulier (le phénomène). Il n'existe pas de théories préalables ni de démonstration en art. Chaque œuvre est unique, et elle consiste à montrer les choses plutôt qu'à les démontrer. Cette absence d'explication, provenant d'une œuvre d'art, entraîne à son tour cette idée que, dans le domaine esthétique, les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Autrement dit, chacun serait libre de ses jugements face à une œuvre d'art, car celle-ci ne peut nous opposer les limites du réel. [...]
[...] Cette transcendance ne renvoie pas forcément, comme en religion, à quelque chose qui serait au- dessus de nous (encore que les œuvres du Moyen Âge en Occident en ont beaucoup rendu compte), mais simplement quelque chose qui serait en dehors, et qui est situé hors de notre regard, de notre compréhension ou de notre pouvoir de nomination, comme lorsqu'il faut exprimer ce qui relève de la chair, de la communication impossible, du mélange inextricable en nous de liberté et de nécessité, etc. Conclusion Les œuvres d'art sont donc bien des réalités à part, qui se distinguent de toutes les autres. Cette différence est tellement prononcée qu'elle provoque souvent une incompréhension à son endroit, et fait surgir un doute quant à sa réalité propre. [...]
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