Le mot « réel » exprime communément ce qui existe effectivement.
L'essence de l'art ne peut être entièrement déterminée par ce que l'art est en lui-même : elle tient en grande partie aux relations que l'art peut entretenir avec le réel (nature et société). L'art est affaire de l'humanité tout entière ; en effet, partout l'homme exprime un génie plastique qui lui permet de créer des formes dans l'espace et un génie rythmique qui lui permet de créer des formes dans le temps.
Il existe trois manières globales de comprendre l'art : comme représentation, comme création et comme production. La représentation exprime les liens de dépendance de l'art vis-à-vis du réel. La création exprime l'ultime liberté de l'artiste créateur. Et, enfin, la production identifie l'œuvre comme le résultat d'un travail dont il convient d'exposer les conditions. Alors que la représentation fait de l'art une réalité dérivée d'un réel déjà donné, la création y voit une origine absolue, et la production un résultat relatif. L'art et le réel sont deux notions qui donnent lieu à des différences conceptuelles selon les cultures, les époques, les mouvements, les écoles, les mœurs. Deux grandes théories concernant l'art et son rapport avec le réel s'affrontent : d'un côté, celle de Platon et de l'autre, celle de Nietzsche.
Quel rapport entretient l'art dans sa représentation du réel chez ces deux auteurs ?
[...] Le peintre ne sollicite pas la partie rationnelle de l'âme humaine, mais tout ce qui est de l'ordre de la croyance. L'art d'imiter ne consiste pas à reproduire la réalité. Donc, pour Platon, les artistes sont inutiles ou même néfastes car ils sollicitent la partie sensible de l'âme et ne font rien connaître, car pour connaître il faut se détacher du sensible. Or, ce qui est primordial pour lui, c'est la connaissance. Comme la sophistique, l'art prétend être un savoir de la vérité, mais c'est une prétention sans fondement puisqu'il ignore le monde intelligible, il est trompeur et utilise toutes les séductions du sensible. [...]
[...] Une véritable hiérarchie en matière de vérité est édifiée. L'échelon inférieur est celui de la rationalité, du discours rationnel avec ses concepts abstraits et ses articulations logiques. Vient ensuite le langage poétique, plus précisément la poésie lyrique, qui exprime des états types et des atmosphères, sans parvenir à renoncer totalement à l'arsenal des concepts. L'échelon supérieur est celui de la musique, sacrifiant totalement les concepts. Pour Nietzsche, l'art est ce par quoi le devenir devient apparent. L'art s'identifie à la volonté de puissance puisqu'il intensifie la vie et la mène à son dépassement, il est étroitement lié à un état physiologique. [...]
[...] Il ne possède aucune autonomie dans sa finalité puisqu'il est au service de l'éducation du peuple. L'art n'a pas plus d'autonomie dans son contenu puisque l'artiste doit se contenter d'imiter des modèles imposés par une hiérarchie. L'art est sous contrôle, il lui interdit d'évoluer. Il est à redouter que le passage à un nouveau genre musical ne mette tout en danger. Jamais, en effet, on ne porte atteinte aux formes de la musique sans ébranler les plus grandes lois de la cité (livre IV de la République). [...]
[...] Nietzsche associe le rationalisme à l'optimisme, les ramène l'un à l'autre à la faiblesse, à un appauvrissement de la vie, et les oppose au pessimisme tragique, qu'il tient au contraire pour une manifestation de la force. En relation avec la dépréciation de la rationalité, Nietzsche développe un double concept de la vérité. Ainsi, l'esprit de la musique renferme une vérité qui n'est pas saisissable par les moyens du traditionnel discours logique et n'a rien à voir avec les vérités établies par la raison. [...]
[...] En nous faisant pressentir l'existence du soleil intelligible qui éclaire cette réalité dont le sensible n'est qu'un reflet. L'art bien pratiqué pour Platon peut, tout comme la rationalité, nous faire atteindre le réel. Tandis que Nietzsche fait de l'art un modèle, de peur que l'intelligence en tue la vie, l'instinct. L'histoire de l'humanité ne cesse de prouver le contraire. C'est plutôt la force instinctive et sans limites qui risque d'étouffer l'intelligence. La conception artistique de Nietzsche peut-elle déposséder l'homme de ses facultés intellectuelles ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture