En effet, qu'est-ce qui constitue une bonne raison de croire ? Une raison convaincante relève-t-elle nécessairement de la vérité ? Et la nature de la raison ne varie-t-elle pas en fonction du contexte culturel ?
Si aujourd'hui dans le langage courant, on assimile souvent choix rationnel et bon choix ou vérité, peut-on pour autant dire que cette assimilation est pertinente dans tous les contextes sociaux et par delà toutes les époques ?
Ne peut-on pas penser que ce qui constitue la vérité varie en fonction des cultures, des mœurs et en fonction des disciplines et que donc la question qui de la raison ou des croyances est supérieure aura une réponse qui fluctuera suivant laquelle des deux notions aura le plus d'importance dans la société contemporaine (la réponse n'étant évidemment pas la même du Moyen Âge à aujourd'hui).
Il nous faudra étudier deux cas en tentant de définir au plus précis les notions de croyances et de raison. L'un où la croyance est soluble dans la connaissance, la raison : étant très proches, l'une peut elle alors valablement juger l'autre qui, si ce n'est sa fille, tout du moins sa sœur. Et un deuxième cas où elles s'opposent : ce qui refuse le doute peut-il être alors dissipé par le doute ?
Cette interrogation sous-entend d'une part que raison et croyance s'opposent nécessairement et d'autre part que l'une à l'ascendant sur l'autre. Pouvoir parvenir à répondre raisonnablement à cette problématique nous pousse alors à étudier si ces deux conditions sont effectivement remplies. Il nous faut donc retourner à la source, à ce qui fait que ces deux notions sont ce qu'elles sont : leur définition et leurs origines.
[...] Intéressons-nous donc dans un premier temps aux définitions. Au cours de l'antiquité, Platon, dans le mythe de la caverne, montre dans une allégorie célèbre que la vérité se trouve au-delà du monde sensible, dans un monde intangible éclairé par le soleil symbole de la connaissance alors qu'il existe également une connaissance des ombres, propre au monde de la caverne, mais qui relève de l'opinion et non de la science. Il oppose ainsi l'opinion, vérité subjective et imposée ou croyance, et la science faite de vérité démontrée et rationnelle ou raison. [...]
[...] Ne faut-il pas en effet reconnaître un statut radicalement entre superstitions et croyances, entre croyances et rites religieux ? Les croyances, même si elles restent des automatismes mentaux, ne sont pas toujours figées en des dogmes intangibles et mécaniques ou en des pratiques magiques qui interdisent la souplesse nécessaire à l'esprit humain pour s'adapter à l'évolution des mœurs et de connaissances. On distingue ainsi les croyances rationnelles, exigence nécessaire à la vie en société (éthique, morale, et irrationnelle, motifs qui invoquent des dogmes sacrés, De plus, des sous catégories de la croyance peuvent également être distinguées ainsi que le fit au XIX siècle en Allemagne Cassirer qui opposa mythe et religion en soulignant que le mythe relève de la projection de lui-même que l'homme pratique sur le monde afin de le ramener à lui alors que la religion au contraire invite l'homme à se dépasser en se situant face à un autre plan d'existence. [...]
[...] Il apparaît ainsi qu'il ne suffit pas d'opposer croyances et raison, ce serait une erreur et une vision simplificatrice que de s'imaginer que les sciences soient totalement objectives et rationnelles et les croyances pures et simples illusions. Il y a une dualité dans l'esprit humain : la croyance est partie de la raison et inversement. L'opinion transforme nos désirs en connaissances, acte irrationnel, mais la raison ne fait jamais disparaître totalement l'opinion ou la croyance. Si elle nous permet de nous débarrasser totalement des sensations, croyances . dans lesquelles nous enferment le visible et nos sens, en revanche elle ne peut nous débarrasser des illusions qu'elle produit, on ne peut se mentir à soi même. [...]
[...] L'illusion et le malheur commencent ainsi quand on confond l'idée simplement révélatrice avec une connaissance. En outre, une démonstration incertaine ou un effort de critique ne peut rien contre une illusion, un préjugé ou une conviction : l'impuissance de la raison face à la croyance ne vient-elle pas de ce qu'elle est elle-même une croyance, celle de croire que le réel est entièrement rationnel. Cependant, malgré toutes ces manifestations de l'importance indubitable des croyances, c'est toujours en premier lieu vers la raison qu'un esprit rationnel va s'accrocher pour comprendre la réalité en dédaignant l'imaginaire, imaginaire auquel il aura recoure si sa raison ne lui suffit pas pour élaborer une réponse à sa convenance. [...]
[...] L'Histoire nous prouve donc que, bien que houleuse, la coexistence entre raison et croyance a toujours été, surmontant toute les crises et notamment celle des Lumières, où les philosophes critiquèrent foi aveugle et les superstitions religieuses. Si l'une comme l'autre existe depuis que l'homme pense, et malgré cette coexistence souvent contradictoire et une lutte acharnée pour prendre le dessus, c'est que chacune apporte à l'homme un élément indispensable à son existence. Ni l'une ni l'autre n'est alors en droit de juger celle qui a justifié sa propre existence. Dès le début la philosophie, science de la raison, s'est élevée contre les croyances. [...]
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