S'il est classique de vouloir « avoir raison » contre un interlocuteur, il est sans doute plus surprenant de prétendre obtenir le même résultat à l'égard de « faits ». Ce terme désigne en effet ce qui a bien eu lieu, ce qui fait en conséquence partie du réel et semble ne pouvoir être mis en discussion : sans discussion, comment avoir raison ou tort ?
S'il en va bien ainsi pour ce qui est des faits naturels, soumis à des lois et à des déterminismes qu'il ne nous appartient pas de juger, la situation est différente relativement aux faits historiques ou sociaux, c'est-à-dire à ce que produisent les actions humaines. En effet, puisque ces dernières dépendent d'intentions et sont orientées vers une fin, puisque donc elles ont du sens, il nous appartient d'apprécier ce sens : dans ce cas, comment pouvons-nous avoir raison, c'est-à-dire donner tort à ce qui existe néanmoins ?
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Raison et tort relèvent d'un jugement de valeur, soit logique (relatif à la vérité), soit moral (relatif au bien ou à la justice). On n'a pas raison par la force (cf. Rousseau : critique de la « loi du plus fort »). Pour avoir raison, on doit en conséquence discuter avec au moins un interlocuteur. Le point de départ est deux avis contraires ou différents ; point d'arrivée : l'un a raison, l'autre a tort. La victoire appartient à celui qui aura utilisé les meilleurs arguments, c'est-à-dire les plus logiques et les plus persuasifs.
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Ce qui dépend des lois (physiques, chimiques) de la nature ne peut être normativement jugé : ce n'est ni bon ni mauvais, ni juste ni injuste en soi. Un cyclone peut avoir des conséquences effroyables du point de vue humain, en lui-même, il n'est pas méchant ou animé d'intentions mauvaises. C'est pourquoi ce sont bien les faits qui donnent raison (ou tort) à une hypothèse ou à une théorie : dans ce cas, c'est en quelque sorte le réel qui décide de qui a raison. Lorsqu'une théorie prétend avoir raison contre des faits, elle est soumise à une idéologie et n'est donc pas authentiquement rationnelle. Par exemple, des fausses thèses de Lyssenko, qui veulent avoir raison contre les faits qui confirmaient les lois de Mendel (pour des raisons politiques) (...)
[...] Un cyclone peut avoir des conséquences effroyables du point de vue humain, en lui-même, il n'est pas méchant ou animé d'intentions mauvaises. C'est pourquoi ce sont bien les faits qui donnent raison (ou tort) à une hypothèse ou à une théorie: dans ce cas, c'est en quelque sorte le réel qui décide de qui a raison. Lorsqu'une théorie prétend avoir raison contre des faits, elle est soumise à une idéologie et n'est donc pas authentiquement rationnelle. Par exemple, des fausses thèses de Lyssenko, qui veulent avoir raison contre les faits qui confirmaient les lois de Mendel (pour des raisons politiques). [...]
[...] Peut-on avoir raison contre les faits? S'il est classique de vouloir avoir raison contre un interlocuteur, il est sans doute plus surprenant de prétendre obtenir le même résultat à l'égard de faits Ce terme désigne en effet ce qui a bien eu lieu, ce qui fait en conséquence partie du réel et semble ne pouvoir être mis en discussion: sans discussion, comment avoir raison ou tort? S'il en va bien ainsi pour ce qui est des faits naturels, soumis à des lois et à des déterminismes qu'il ne nous appartient pas de juger, la situation est différente relativement aux faits historiques ou sociaux, c'est-à-dire à ce que produisent les actions humaines. [...]
[...] C'est bien parce que le monde de l'homme est traversé de multiples intentions et de valeurs différentes que les faits qu'il élabore ou qui l'ont antérieurement constitué sont par définition soumis à des jugements normatifs. On peut dès lors avoir raison contre certains faits, lorsque ces derniers sont contredits par la suite des événements. Faute de quoi on serait obligé d'affirmer que le fait de fusiller des opposants donne définitivement raison à n'importe quel tyran, alors que l'histoire peut montrer que les opposants avaient raison contre le fait de la tyrannie, même au prix de leur existence. [...]
[...] Mais aussi débats concernant la nature même du social: son organisation politique, économique, sa conception de la justice, etc. Mais la société, ainsi conflictuelle, hérite d'une histoire: La société contemporaine n'est pas coupée du passé: elle en hérite et en résulte dans une certaine mesure. Dans ce passé lui-même ont déjà eu lieu des discussions portant sur les mêmes sujets, et ont été prises un certain nombre de décisions orientant l'évolution. En conséquence, il est difficile de prendre parti aujourd'hui sans prendre aussi parti relativement à des positions soutenues antérieurement. III- Comment avoir raison contre des faits passés? [...]
[...] Mais ces faits n'ont rien de naturel, ils participent d'une histoire humaine, c'est-à-dire d'un ensemble d'intentions et de conséquences. C'est en quoi ils sont soumis à un jugement permanent. Intention actuelle et réalité passée: Lorsqu'un événement se déploie durablement, les faits qui le constituent peuvent d'abord sembler donner tort, pour finalement donner raison. Par exemple, les premières défaites de la Résistance, pendant la Seconde Guerre mondiale, sont des faits établis. Mais les résistants qui décident alors de continuer la lutte leur donnent tort, et ils auront finalement eu raison. [...]
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