La notion de raison d'Etat apparaît pendant la guerre de Trente ans, au cours de laquelle la France catholique soutient les princes protestants au point de finalement entrer en guerre à leur côté ; ceci afin de contrecarrer l'hégémonie du St Empire Romain germanique. Pour donner une définition générale, on peut désigner la notion comme étant l'ensemble des considérations qui font primer l'intérêt de l'Etat sur celui des individus. Elle est de plus souvent associée à des idées négatives puisque l'on peut aussi la définir comme la notion par laquelle un Etat justifie ses actions lorsqu'il poursuit son intérêt national aux dépens de la morale, du droit ou d'autres impératifs. On constate une certaine récurrence du recours à la notion de raison d'Etat dans l'histoire ; et ce dans des contextes et dans des buts très différents. On peut donc se demander comment justifier politiquement le recours à la raison d'Etat, alors même qu'elle semble souvent aller plus ou moins directement à l'encontre de certains principes. En premier lieu, il paraît nécessaire de se pencher avec plus de précision sur la définition et l'historicité de cette notion ; pour comprendre les risques liés à cette notion qui pose le problème de la dualité entre morale et histoire ; afin de finalement s'intéresser aux problèmes d'actualité, liés surtout aux relations entre démocratie, raison d'Etat et souveraineté de l'Etat.
I. Le concept de la raison d'Etat
A. Définition philosophique de la raison d'Etat
Donc pour reprendre la définition générale, la raison d'Etat correspond à un argument selon lequel l'intérêt supérieur de l'Etat peut justifier des mesures sortant de la légalité ordinaire et généralement décidées de façon secrète. Il s'agit donc d'une notion liée à des pratiques peu avouables et qui est censée procéder du souci de l'intérêt bien compris de la nation. Celle-ci dépend de concepts très différents ; on distingue en effet quatre strates sémantiques. (...)
[...] Paradoxe de la raison d'Etat Donc la relation entre morale et politique est complexe. Renversement de la logique : avant on considérait que les bonnes causes entrainaient les bons effets ; avec Machiavel les bons effets sont en fait provoqués par des bonnes causes. Avec la raison d'Etat, on peut considérer que la fin justifie les moyens Ici, la fin c'est la conservation de l'Etat et du bien commun, et elle repose souvent sur le principe d'une justification morale et/ou religieuse. [...]
[...] La raison d'Etat se justifie par la souveraineté de l'Etat C. Risques et dérives possibles Tant que la raison d'Etat se cantonne à un but moral, lié à la conservation de l'Etat et à l'intérêt général ; la raison d'Etat ne semble pas être un concept particulièrement négatif (à la différence de l'opinion commune). Elle permet en fait une certaine stabilité politique, qui entraîne donc une certaine stabilité économique et sociale. Mais il y a des risques de dérives possibles. [...]
[...] (cela entraîne de nombreux doutes dans l'esprit des citoyens). Le peuple est ainsi souvent soupçonneux à l'égard des pratiques secrètes de l'Etat. La raison d'Etat entre même en conflit avec les valeurs démocratiques, que l'on peut réduire dans cet exposé celles emblématiques en France : liberté, égalité et fraternité. La raison d'Etat se trouve-t-elle d'ailleurs inscrite dans la constitution On peut la rattacher à l'article 16 sur les pouvoirs extraordinaires du Président de la République en cas de menace grave de la République (encore idée d'urgence et d'état d'exception). [...]
[...] Mais l'Etat est-il encore souverain ? La raison d'Etat était justifiée par le fait qu'aucun droit ne pesait sur l'Etat. Mais maintenant cela pose des problèmes : par rapport au droit européen, par rapport au droit international, par rapport aux instances internationales Tout cela remet en partie en cause le recours à la raison d'Etat. Donc le problème de la justification de la raison d'Etat reste ouvert et complexe. Conclusion Si le concept de la raison d'Etat a évolué depuis le 16ème siècle, car de nos jours elle désigne seulement un mode d'intervention du pouvoir politique qui déroge au droit commun ou positif, il semble évident qu'elle reste une notion problématique en politique ou en philosophie politique. [...]
[...] Evolution du concept Il faut souligner l'origine d'un concept qui dépend de la situation politique et n'est pas apparu avant le 16ème siècle quand trois conditions ont été réunies : la reformulation du problème politique dans le cadre des guerres de religion, l'élaboration bodinienne de la souveraineté et l'apparition d'un nouvel objet de la théorie politique : l'Etat. Le premier théoricien de la raison d'Etat est Giovanni Botero dans son livre Della ragion di Stato. Il définit la raison d'Etat comme la connaissance des moyens propres à fonder, conserver et agrandir une domination et seigneurie C'est une doctrine entre la justification religieuse et la rationalisation politique de la pratique gouvernementale. [...]
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