Raison au service du mal, question du mal et du bien, philosophie antique, cheminement historique, avancées de la connaissance, Platon, Socrate, humanisme, Lumières, scientisme, positivisme, rationalisme philosophique, progrès technologique, raison moderne
Héritiers des Lumières, qui, par définition, sont censées nous éclairer contre les croyances obscures, nous vivons actuellement dans des sociétés modernes industrialisées où règne la valorisation suprême de la raison sur tout autre faculté humaine. Convaincus de ses bienfaits, nous évoluons dans des sociétés où les couples en crise ont désormais accès au "sexologue", et plus généralement, où tout problème connaît son spécialiste automatiquement consulté. En d'autres termes, nos vies sont organisées par le règne des savants. La formule de Bacon "Savoir, c'est pouvoir" n'aura jamais été autant vérifiée. Le sens commun se réclamant du bon sens situe par ailleurs l'origine du mal dans un principe étranger à la raison comme l'aveuglement de la passion ou la spontanéité impulsive du corps.
Ce constat actuel tient d'ailleurs à des racines culturelles anciennes. Les disciples de la Bible expliquent que le mal par la notion du pêcher que la maîtrise du corps et la puissance de l'esprit permettent de surmonter. Aussi, chez les Grecs, on peut se rappeler la philosophie antique érigeant la raison comme garde-fou contre les diverses figures du mal que peuvent constituer la démesure, les désirs passionnels et l'impulsivité. Les Grecs de Parménide à Euclide étaient également sensibles au principe de démonstration et de méthode, tout comme le furent les philosophes rationalistes du XVIIe siècle. La raison est donc, dans notre culture occidentale profonde, ce moyen par lequel nous pouvons nous défaire des forces du mal pour faire advenir le bien.
[...] Ainsi, un homme parfaitement raisonné n'a jamais le mal comme l'intention. À partir de la Renaissance, l'humanité connaît un regain de valorisation de la raison. Le progrès scientifique et humain est exalté, l'homme mis au centre des préoccupations artistiques, intellectuel et politique. Les « lumières », dans ce contexte d'essor du progrès confronté à l'obscurantisme, théorisent la nécessité de l'accès de tout être humain à des droits naturels et inaliénables, et ce au nom d'une justification bien précise : la raison des hommes. [...]
[...] Le progrès technologique est source de dérives. Les objectifs de performance et d'accroissement du pouvoir techniques présentent continuellement des interrogations morales et philosophiques sur notre devenir et sur la préservation de notre identité humaine. III – L'effort de la raison de se dégager de sa dimension morale ou l'émergence de la raison moderne On peut distinguer au terme de nos deux premières parties deux formes de rationalité : la rationalité logique et dialectique (clarté et rigueur du discours), et la rationalité morale qui a pour sujet les fins de notre action à l'égard des autres et de nous-mêmes. [...]
[...] Cela débouche inévitablement sur une instrumentalisation de la raison, qui devient indifférente aux fins en ne s'intéressant qu'à l'adéquation des moyens aux fins. Il s'agit alors d'une rationalité instrumentale cynique et indifférente aux problèmes des valeurs. On peut réaliser les plus savants calculs du monde sans être le moins du monde quelqu'un de sage. David Hume a d'ailleurs une formule célèbre qui décrit ce constat : « la raison est et ne peut être que l'esclave des passions ». D'où le terrible paradoxe selon lequel la raison est au service de l'irrationnel. [...]
[...] Malgré nos intentions les plus pures, nous ne pouvons jamais penser le monde dans sa complexité et son évolution constante. Hegel nous permet d'ailleurs d'opposer la raison finie et la raison infinie qui s'accomplit par l'avènement de l'Histoire, fournissant ainsi une raison universelle censée gouverner le monde. Le mal est-il alors ce moment nécessaire à la réalisation de la Raison ? Hegel, qui développe sa thèse de la ruse de la raison, affirme que : « la raison gouverne le monde et par conséquent l'histoire universelle. [...]
[...] La raison est donc devenue autonome. On le constate, comme on vient de le voir, par sa dangereuse prétention à justifier le réel. Mais nous pouvons aussi l'observer grâce à son émancipation historique vis-à-vis de la spiritualité et de la religion. Puisque selon Nietzsche « Dieu est mort », l'action vers le bien peut se considérer comme désintéressée. La raison n'offre aucune garantie de jugement ou de bilan à la fin de la vie d'un homme. Le risque de la raison comme seul outil du bien peut être illustré par Dostoïevski dans Les frères Karamazov : « si Dieu est mort, alors tout est permis ». [...]
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