Nous utilisons tous les jours le terme « fou » à tort et à travers. Le « fou » est l'excentrique, l'extravaguant : « cet homme est fou ! ». Le fou, c'est également celui qui ne nous apparaît pas normal, pas comme nous. On connaît tous des exemples célèbres de folie : la folie de Van Gogh, la folie de Gérard de Nerval, la folie d'Hitler…
Néanmoins il s'agit là de toute évidence d'exemples très différents. Devant une telle polysémie, on peut se demander si le concept de folie a vraiment un sens. En tous les cas, et contrairement à ce que pense la majorité, il ne s'agit pas d'un terme scientifique, il n'est pas utilisé par les psychiatres qui parlent de troubles mentaux définis : la schizophrénie, la paranoïa, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC)…
Le terme de « raison » est lui aussi soumis à une telle ambiguïté de sens. De quoi parle t-on exactement quand on déclare « tu as perdu la raison ! » ? Qu'est ce qu'agir raisonnablement ?
Ainsi l'interrogation : la raison est-elle le contraire de la folie ? nous invite t-elle à prendre en considération la polysémie des termes « raison » et « folie » avant de tenter une quelconque argumentation.
Le problème de l'articulation existant entre raison et folie est récurrent et de nombreux philosophes ont écrit à ce sujet. Ce devoir vise à mettre en évidence cette articulation.
Quel que soit le dictionnaire consulté, la folie (et inversement la raison) est toujours définie par rapport à la raison (inversement par rapport à la folie). Le lien entre les deux est inévitable. Ces définitions montrent que, pour tout un chacun, la folie est toujours perçue en opposition avec la raison. Cette réalité est le fait de l'héritage du rationalisme cartésien.
Ainsi nous étudierons comment, avec Descartes se met en place une dualité folie / raison et mettrons en évidence qu'avec lui la folie est considérée en comparaison avec la norme sociale qu'est la raison. Puis nous nous demanderons si cette opposition entre la folie et la raison peut se faire sans qu'il y ait comparaison avec cette norme sociale. Enfin nous verrons comment nous pouvons faire varier ces définitions, quelles sont les limites de cette pensée et comment la relativiser.
[...] Y a-t-il vraiment un sens dans le fait de vouloir se conformer à un monde insensé ? N'y a-t-il pas plus de raison à vouloir se distinguer d'un monde fou que de vouloir s'y conformer ? Dans ce cas le comportement du fou n'est certes pas conforme, mais cela ne veut pas dire qu'il n'ait pas de sens, il faut peut-être le voir comme une réponse sensée à un environnement fou. Il ne fait qu'accomplir une stratégie qui est la seule manière pour lui de répondre aux contradictions qu'il rencontre. [...]
[...] Quel est dès lors le statut de la folie (et celui du fou) ? Dans L'histoire de la folie à l'âge classique Michel Foucault montre que le statut du peule des fous a beaucoup changé au cours du temps. Il en veut pour preuve l'évolution du statut du fou entre le Moyen Âge et l'avènement de la modernité. Si, au Moyen Âge, la société isolait les lépreux ce n'est qu'à partir de l' âge classique qu'elle se met à enfermer les fous Entre les deux un événement capital s'est produit : l'avènement d'une raison toute puissante. [...]
[...] C'est donc avec Descartes que se fait l'avènement de la raison, la problématique cartésienne le montre nettement : la raison doit se protéger de l'erreur et de l'illusion et c'est l'office du doute. Mais elle ne peut comporter le moindre grain de folie puisqu'elle est maîtrise de soi et la folie dépossession : l'homme peut être fou mais non pas la pensée. Raison et folie s'excluent radicalement. Le XVIIème siècle a accompli une grande coupure de la raison et de la déraison, dont l'internement n'est qu'une conséquence logique. Descartes caractérise la folie en la comparant avec une norme sociale régissant la pensée et les actes : la raison. [...]
[...] Et si la représentation de la veille était de même nature que la représentation du rêve ? Ceci impliquerait que la pensée est toujours inscrite sur le plan de la représentation, or la raison se réclame de la pensée. C'est le problème que soulève Descartes dans la première Méditation avec l'hypothèse du Malin Génie. S'il existait un Malin Génie capable d'imprimer dans mon esprit des images, peut-être se pourrait-il que rien n'existe en dehors de ma pensée (Cogito) et que la vie ne soit qu'une illusion, un rêve. [...]
[...] Or, la raison a souvent été apparentée au dogme de l'Eglise. Autrement dit pour être doué de raison il s'agirait d'admettre un nombre X de principes et de lois définis à l'avance ; au même titre que le fidèle admet les articles de la Foi. Il s'agit là d'un rationalisme tout sauf rationnel, en effet la raison est avant tout la capacité de raisonner, de penser, de juger donc croire. Il est intéressant de nous demander pourquoi l'homme qui déraisonne nous inquiète ? [...]
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