Lorsque quelqu'un me demande qui je suis, je sais en général quoi répondre, sauf si je suis atteint d'un trouble spécifique comme une amnésie totale par exemple. Je suis moi même, j'ai un nom, une identité que je peux décliner, une profession, etc. Il n'y a aucun doute sur ces éléments et je sais qu'ils sont véridiques, qu'ils ne sont pas erronés. Cependant, ai-je pour autant dit qui j'étais ? (...)
[...] Conclusion Partant de l'idée que je suis le mieux placé pour dire qui je suis et qu'il semble dès lors aisé de fournir une réponse exacte à la question qui suis- je ? on s'est aperçu que le sujet n'était pas transparent à lui-même et qu'il fallait renoncer à une connaissance intégrale, parfaite et objective de soi. C'est dans cette impossibilité que le manque de pertinence d'une recherche de la connaissance de soi est apparu. Se connaître soi-même au sens strict du terme revient à s'ignorer plus que jamais, c'est-à-dire à ignorer le fait que le je est ce qui connaît et non ce qui est ou peut être connu. [...]
[...] Mais puis-je décrire en ces termes ma personne ? Quand bien même on ferait fi des problèmes de l'inconscient et du temps, il resterait encore celui-ci. Le sujet que je suis peut-il être intégralement et justement décrit puis réduit en équations ou en tout autre discours formel ? Ce je est ce qui pense, ce qui veut, ce qui désire, ce qui agit, ce qui ressent, en moi : toutes ces facultés peuvent-elles constituer les objets d'une ou même de plusieurs sciences (une réponse exacte ne désigne pas nécessairement une réponse simple, concise ou rapide) ? [...]
[...] On pourrait cependant objecter ici que la question qui suis-je ? est au présent et que le fait de ne pouvoir répondre exactement à la question qui étais-je ? importe peu pour le présent problème. Il nous faut à la fois invalider et tenir compte de cette objection. Nous pouvons tout d'abord la rejeter relativement facilement en rappelant que ce je présent, si l'on veut se concentrer exclusivement sur lui, est toujours le produit et la synthèse, pour une part au moins, des je passés ; il serait donc artificiel de le considérer comme détaché et sans lien avec le passé. [...]
[...] Or peut-on être assuré d'une telle transparence ? Rien n'est moins sûr. Déjà Leibniz, dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain, disait que c'est une grande source d'erreurs de croire qu'il n'y a aucune autre perception dans l'âme que celles dont on s'aperçoit Aussi semble-t-il peu probable que le contenu de la conscience à un moment donné coïncide exactement avec le contenu de tous les processus psychiques impliqués. Enfin, le travail de la psychanalyse nous a montré à quel point, selon le mot de Freud dans Essais de psychanalyse appliquée, le moi n'est pas maître dans sa propre maison L'essentiel du travail psychique est en effet inconscient et le moi n'est pas à même d'examiner les coulisses de la conscience, il existe en quelque sorte un point aveugle de la conscience qui se trouve être le centre de son élaboration. [...]
[...] Dans le fond, on peut bien penser que la question qui suis-je ? appelle l'élucidation d'un sens. Aussi faut-il peut-être se résoudre à penser, d'après tout ce que l'on a vu, que la question qui suis-je ? revient à poser la suivante : quel sens cela a-t-il d'être un sujet ? ; ou pour être encore plus précis : qu'est-ce que cela signifie pour moi d'être ce je ? Ainsi, en prenant acte, dans la Critique de la raison pure, du fait que la conscience de soi-même n'est pas encore, il s'en faut, une connaissance de soi-même Kant tente d'éclairer le sens du je comme point à partir duquel toute connaissance est possible. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture