Synthèse sur la notion de pouvoir politique chez quelques auteurs contemporains: Raymond Aron; Lasswell et Kaplan : le pouvoir; Dahl : une critique du modèle de l'élite du pouvoir; Bachrach, Baratz : les deux faces du pouvoir; Lukes : la troisième dimension du pouvoir.
Le titre choisi par Raymond Aron pour son étude sur le pouvoir politique révèle d'emblée la complexité de la notion de pouvoir : « Macht, power, puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? ». En effet, comme nous le démontre l'auteur, les ambiguïtés du langage rendent la définition difficile. Contrairement à l'Allemagne et à la Grande-Bretagne qui ne possèdent qu'un seul terme pour définir le pouvoir, la France en connaît deux : pouvoir et puissance. Le premier marque l'action (un acte ponctuel, déterminé) tandis que le second désigne quelque chose de durable, de permanent ainsi qu'un potentiel. Or l'usage ne fait pas la distinction.
En règle générale, le pouvoir a une connotation péjorative. Lorsque l'on associe les gouvernants au pouvoir, l'on peut constater une peur que l'homme du pouvoir inspire aux autres quand ceux-ci songent aux conséquences que peut avoir une décision prise par celui-là. Vu sous un autre angle, le pouvoir peut représenter l'incarnation humaine de l'Etat ; dans ce cas, l'on se penchera sur les institutions et la structure de l'Etat pour comprendre le fondement du pouvoir.
En réalité, une distinction de vocabulaire n'est opérée que pour différencier les relations internes des relations externes. Le terme de puissance est généralement employé pour désigner les relations entre Etats, acteurs de la scène internationale (on parle de grandes puissances).
Les sociologies modernes du pouvoir essaient d'adopter une démarche d'abstraction afin de trouver un concept qui s'applique à toutes les relations commandement /obéissance. Pour se faire, les auteurs, tels que Van Doorn, tendent à éliminer les éléments psychologiques comme la conscience ou la motivation. Pour Aron, au contraire, l'analyse du pouvoir doit passer par le fort intérieur des individus, sujets et objets du pouvoir, et doit prendre en considération la spécificité des problèmes et situations historiques ou sociales.
[...] Les deux auteurs concentrent donc leur attention sur l'exercice du pouvoir et non sur ses sources. Ils vont plus loin dans la définition en affirmant que le pouvoir au sens politique ne peut se concevoir comme la capacité de produire des effets voulus en général, mais seulement des effets qui concernent directement d'autres personnes. Leur analyse s'inscrit ainsi dans l'approche interactionniste du pouvoir, pour qui le pouvoir est avant tout une relation entre deux ou plusieurs personnes. Les auteurs insistent par ailleurs sur la notion d'étendue du pouvoir, ce qui signifie qu'un individu exerce un pouvoir sur autrui dans un domaine précis. [...]
[...] Aron rejette également l'assimilation faite par de nombreux sociologues de l'ordre politique à l'ordre économique. Pour ces derniers, la compétition pour la puissance apparaît comme l'équivalent de la compétition pour l'argent : chaque individu ou groupe d'individus cherche à maximiser sa puissance. Or Aron insiste justement sur la différence entre le pouvoir et l'argent. En effet, la notion de puissance ou pouvoir signifie que l'un commande et que l'autre obéisse. En ce sens, jamais le pouvoir ne sera partagé comme la richesse peut l'être. [...]
[...] Dahl : Une critique du modèle de l'élite du pouvoir : R. Dahl est l'auteur de la célèbre formulation : A exerce un pouvoir sur B dans la mesure où il obtient de B une action Y que ce dernier n'aurait pas effectuée autrement Selon cette définition, il fait partie des interactionnistes. Mais il est surtout pluraliste, c'est-à-dire qu'il conclu que le pouvoir est largement diffus. Cette considération du pouvoir s'oppose à celle des élitistes, souvent sociologues, qui considèrent que le pouvoir est très concentré, d'où l'expression d'élite du pouvoir. [...]
[...] Bachrach, Baratz : Les deux faces du pouvoir : Les deux auteurs se veulent pluralistes bien qu'ils aient certaines objections à l'encontre de cette analyse. Ils s'accordent avec les pluralistes pour partir du fait qu'à la base, personne ne domine dans une collectivité locale et que le pouvoir doit se mesurer par son action. Mais contrairement à Dahl qui a une vision du pouvoir politique limitée à des prises de décisions concrètes et visibles (d'où l'expression de face unique du pouvoir), Bachrach et Baratz mettent en lumière une deuxième face du pouvoir qui est celle des non-décisions. [...]
[...] On retrouve là l'idée des différents domaines d'influence caractérisés par Dahl. La notion de concurrence n'est pas exclue du concept de pouvoir. Certains s'en réjouiront comme Montesquieu qui prônait la séparation des pouvoirs. Un pouvoir relatif est synonyme de contrôle et garant contre d'éventuels abus. Un pouvoir diffus semble être le moyen adéquat pour limiter les dégâts et conforme à l'idéal démocratique. Par ailleurs, le pouvoir peut être fonction de la personnalité de celui qui remplit tel ou tel rôle : elle peut augmenter ou diminuer la puissance normalement réservée au titulaire de ce rôle. [...]
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