Problématique : l'idéal classique est parvenu à accréditer l'idée que l'appréciation esthétique, ou le jugement de goût, peut se fonder sur un sens commun : parce que nous sommes des êtres humains, nous possédons une nature telle que nous parvenons à nous accorder sur nos jugements esthétiques. Cette hypothèse fonde la possibilité de la communication ; c'est-à-dire que c'est parce qu'un consensus est possible que nous prenons la peine d'en discuter entre nous. Il y aurait alors des valeurs qui transcenderaient les simples subjectivités individuelles à l'origine d'un espace public dans lequel nous échangeons nos points de vue.
L'humanité cultivée, c'est donc l'idée que l'humanité se construit sur la base de la communication et du débat esthétique (nos goûts) ; ce même débat n'étant possible qu'à travers le présupposé anthropologique de l'existence d'un sens commun.
Or, la crise de la postmodernité a conduit à l'avènement du relativisme culturel. L'idée de l'existence de valeurs transcendantes est remise en question, l'hypothèse d'un consensus semble rencontrer le ridicule, la subjectivité triomphe. A notre époque, en effet, nous vivons un temps de relativisme culturel : il n'y a plus vraiment de hiérarchie dans les valeurs, tout se vaut ou rien n'a de valeur : cf. Warhol et paquets de lessive Brillot, Duchamp et son urinoir = œuvre d'art Yves Klein qui (en 58) fait une expo sur le vide : la salle est rigoureusement vide = œuvre d'art (on lui achète).
On assiste au triomphe de l'individualisme, le moi est conçu comme valeur ultime, qui trouve sa légitimité dans le fait que c'est moi qui juge, parce que c'est mon goût et que « je le vaux bien ».
Dans ces conditions comment envisager à nouveau l'espace public s'il n'y a plus de valeurs ou d'objets qui fondent le consensus ?
[...] Plan détaillé : I L'idéal classique L'émergence de la problématique sur les critères du goût au 18 ème siècle La synthèse kantienne 3. L'hypothèse d'un sens commun esthétique. (Schiller). II La crise du goût et le relativisme culturel : comment refonder un espace public ? 1. Le monde commun fissuré (H. Arendt) La crise du jugement de goût et les l'effondrement des valeurs esthétiques. (Michaud) Vers un nouvel espace public (Habermas). I L'idéal classique 1. [...]
[...] Cette position est celle de Jürgen Habermas. Celui-ci ne croit pas que les médias et autres industries culturelles sont une menace pour la liberté du jugement. En effet, l'industrie culturelle accroît également la diffusion des œuvres d'art auprès du public (sous l'effet de la reproduction, de la médiatisation, de la publicité, de la communication autour des expositions des musées etc.) alors que celles-ci étaient auparavant réservées à la contemplation d'un public privilégié. Si l'idéal de l'humanité cultivée n'est pas un idéal élitiste mais démocratique, puisqu'il suppose le consensus en chaque homme, et non pas en la seule élite suffisamment éduquée, en revanche, l'idée d'une éducation par l'art se révèle, dans la pratique, réservée à une seule élite. [...]
[...] o Arendt Hannah, La Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann- Lévy o Habermas Jürgen, L'espace public: archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, traduit de l'allemand par M.B. de Launay, Paris, Payot o Habermas Jürgen, Théorie de l'agir communicationnel, traduction de Jean-Marc Ferry et Jean-Louis Schlegel, Paris, Fayard o Bloom Allan, L'Ame désarmée. Essai sur le déclin de la culture générale, Paris, Julliard o Ferry Luc, Le sens du beau, Paris, Poche o Michaud Yves, Critères esthétiques et jugement de goût, Nîmes, éditions Jacqueline Chambon, coll. Rayon Art pages, 3eme édition 2001. [...]
[...] Or cette peur de tout ce qui est extraordinaire se perd dans l'état de civilisation ( ) C'est ce que savent très bien les poètes et ils ne manquent donc pas d'user de l'extraordinaire, au moins comme d'un ingrédient du terrible. (Schiller, Textes esthétiques, Vrin) Au XVIII ème siècle apparaît donc l'idée d'une humanité cultivée. C'est parce que nous supposons que nous pouvons partager en commun les mêmes expériences esthétiques que nous pouvons fonder la collectivité, puis l'humanité, autour de la communication. [...]
[...] La deuxième solution (le goût est subjectif) a été théorisée par les empiristes. Théorisée par Hume dans les Essais esthétiques. L'idée est que la beauté est ce qui réjouit nos organes sensoriels. Or comme les hommes sont dotés des mêmes organes, le beau plaît quasi universellement. L'analogie entre l'art et la cuisine est mise en exergue conduisant à associer le beau à l'agréable. Cette thèse a pour originalité de tenter d'apporter une explication aux divergences de goûts : il existe en effet des organes qui fonctionnent plus ou moins bien, qui sont plus ou moins éduqués, plus ou moins raffinés. [...]
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