Un banal contrôle de police m'invite à montrer mes papiers d'identité : j'y suis défini par une adresse, une date de naissance, une taille, une couleur d'yeux, d'éventuels « signes particuliers », etc. Description évidemment décevante: ce n'est pas en ces termes que l'on peut résumer ce que je suis. Mais comment parvenir à savoir ce que je suis ? Ce que formulent les discours scientifiques me semble nécessairement éloigné de ce que je ressens comme ma singularité, et du point de vie subjectif, le recours aux informations issues de ma conscience ne risque-t-il pas d'être illusoire ?
Si la tentative semble vouée à l'échec, peut-être est-ce de surcroît parce qu'elle vise à me figer dans un présent que ma façon d'exister dément.
[...] Savoir ce que je suis semble d'abord légitime, mais se heurte à de nombreuses difficultés, quel que soit le point de vue privilégié. Mais sans doute est-ce l'entreprise elle-même qui est impossible, dès que l'on constate combien l'existence est orientée vers le futur, et en conséquence toujours susceptible de changer d'orientation. On aboutit ainsi à une situation étrange: ce n'est qu'après ma disparition que l'on pourra savoir qui j'aurai été, et tout au long de ma vie, je me trouve condamné à n'avoir de moi qu'une connaissance superficielle et incomplète. [...]
[...] Cette singularité est ressentie par l'être subjectif: est-ce en explorant ce dernier que je pourrai mieux savoir ce que je suis? II- L'auto-analyse mène à une autre impasse Les attentes à l'égard de la conscience Ce que je suis peut-il se dévoiler grâce à l'analyse des faits de conscience? On l'a durablement pensé: l'examen de conscience fournirait la connaissance de ma nature ou de mon état actuel (au moins psychique), et la rédaction sincère d'un journal intime m'apporterait celle de mon évolution. [...]
[...] Les critiques les plus classiques (Comte) de sa prétention à saisir ce qui a lieu dans l'esprit restent valides. On peut leur ajouter les remarques de Marx sur l'aliénation de la conscience, de Nietzsche sur sa dépendance à l'égard des valeurs du troupeau de Durkheim sur sa dimension sociale, qui en ébranlent sérieusement les pouvoirs avant même la mise au point de la théorie psychanalytique. Présence active de l'inconscient Si l'on admet que les véritables déterminations de ce que je suis sont à trouver dans le dynamisme de l'inconscient, le recours à la seule conscience est en effet voué à l'échec: il fournit au mieux un avoir superficiel et trompeur. [...]
[...] Les sciences sociales me situent dans des ensembles structurés Tout recours à un savoir universel constitué objectivement me renvoie au même obstacle. La sociologie m'insère dans un groupe, une famille, une classe sociale, une ethnie, etc., dont elle prétend déduire les constituants d'une pensée d'abord collective qui ne correspond à la mienne que très vaguement. Si, m'affirmant être humain j'interroge l'anthropologie sur ces caractères principaux, je peux être déçu par l'insistance sur des valeurs dont je ne ressens pas en permanence la présence. La question Qu'est-ce que l'homme? [...]
[...] Puis-je savoir ce que je suis ? Un banal contrôle de police m'invite à montrer mes papiers d'identité: j'y suis défini par une adresse, une date de naissance, une taille, une couleur d'yeux, d'éventuels signes particuliers etc. Description évidemment décevante: ce n'est pas en ces termes que l'on peut résumer ce que je suis. Mais comment parvenir à savoir ce que je suis? Ce que formulent les discours scientifiques me semble nécessairement éloigné de ce que je ressens comme ma singularité, et du point de vie subjectif, le recours aux informations issues de ma conscience ne risque-t- il pas d'être illusoire? [...]
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