Durant toute son histoire, la philosophie occidentale a opposé deux caractéristiques de la nature humaine : sens et raison, et a réfléchi sur leur lien. Effectivement, aux prémices de la philosophie, Démocrite par exemple considérait que les premiers conduisaient à un savoir erroné tandis que la seconde ouvrait la voie de la vérité.
L'effet de substances comme les drogues ou l'alcool sur la perception de l'environnement par l'homme nous amène à remettre en cause la capacité de nos sens à appréhender le réel et légitime la question suivante : jusqu'à quel point suivre ce que nous montre nos sens ? Quelle confiance, au fond, leur accorder ?
Par « sens », nous entendons les cinq moyens qui nous permettent d'entrer en contact avec l'extérieur (vue, ouïe, odorat, toucher et goût) mais aussi les effets qu'ils produisent sur notre âme non gouvernée par la raison, c'est-à-dire la sensibilité, l'imagination. En quoi les sens sont-ils trompeurs ?
[...] Par cette capacité à dépasser ses sens, à ne pas demeurer ce qu'il était, le sujet ne prouve-t-il pas qu'il est essentiellement actif ? L'activité du sujet ne peut demeurer purement théorique et va devoir se manifester par l'action. Or l'action ne se fonde-t-elle pas en partie sur nos sens ? Malgré les erreurs qu'ils peuvent engendrer, nos sens ne sont-ils pas nécessaires ? Maintenant que nous avons montré la nécessité de la raison pour comprendre ce que les sens nous représentent, nous allons réfléchir à la manière de les employer le mieux possible afin qu'ils puissent être dignes de confiance. [...]
[...] Kant voit ce phénomène comme reposant sur une méthodologie logique de la conscience : grâce à la synthèse de l'appréhension successive, il parvient à se former une image globale du cube qu'il peut garder présent à l'esprit par le biais de l'imagination qui ne désigne pas alors un ensemble de rêveries fondées sur la sensibilité mais la capacité de la conscience à se représenter un objet absent. La perception nous offre donc la possibilité d'appréhender notre environnement en excluant la sensibilité de la représentation que l'on en fait. Elle est une manière d'employer les sens de façon rationnelle. Mais ceci nous protège-t-il de tous les dangers de la sensibilité ? [...]
[...] En réalité, comme les autres membres de la nature, il est défini par le conatus que celle-ci lui a conféré. La raison ne constitue donc pas à elle seule l'homme, elle en est une particularité. Le conatus fait de l'homme essentiellement un être de désir, donc fondé sur le plaisir des sens et la vie affective. En effet, selon Freud, la tendance qu'aurait l'homme à vouloir assouvir tous ses désirs pour en être affranchi serait la preuve d'une pulsion morbide : l'homme tendrait alors à nier sa dimension humaine d'être de désirs. [...]
[...] Tel est peut-être le rôle de l'art. En effet, l'art consiste en un partage entre le créateur et l'observateur : l'artiste ne fait pas qu'exalter ses sens et son imagination en produisant son œuvre, il la gouverne par la raison pour offrir un plaisir esthétique à celui qui l'étudiera. Ainsi le prouvent les brouillons des grands écrivains comme Proust qui ne sont pas une succession d'états d'âme jetés sur le papier mais l'élaboration d'une œuvre construite. Hegel affirme en ce sens qu'un peintre donne à voir au spectateur une œuvre qui dévoile une vérité ordinairement cachée. [...]
[...] En refoulant ou abjurant l'influence de ses sens, l'homme nierait sa nature et perdrait de sa richesse. De ce fait, après avoir démontré que les sens peuvent être trompeurs mais que la raison peut les gouverner, ne peut-on pas leur accorder une certaine importance ? Plutôt que de ne plus les considérer et de vivre dans un intellect pur qui nous éloignerait de la réalité et du monde puisque les autres accordent généralement une grande place aux sens, ne vaut-il pas mieux les tempérer par la raison comme le proposait Fichte ? [...]
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